comédien de doublage

Synchro Magazine : pleins feux sur les comédiens de doublage, trop souvent méconnus (1/2)

Avec les confinements intervenus en 2020, certains d’entre nous se sont reconnectés avec leur moi intime demeuré enfoui au plus profond d’eux-mêmes. C’est le cas d’Olivier Barbery, qui a profité de ces quelques semaines d’inactivité forcée pour dépoussiérer et faire renaître un projet de jeunesse dont la vie l’avait détourné. Il a donc fondé la maison d’édition « Synchro », dont la principale publication est le magazine du même nom, entièrement consacré au doublage et dédié aux voxophiles. Nous avons rencontré Olivier afin qu’il nous parle de son projet, des circonstances ayant entouré sa naissance aussi bien que des conditions de sa réalisation.

Il y a deux ans, Olivier Barbery décide de quitter son dernier employeur : il était alors directeur de magasin pour Sephora. Il crée « Synchro éditions » et Synchro Magazine, entièrement dédié au doublage, cet « exercice du métier de comédien de cinéma ».

Touché par le doublage dès l’enfance

Olivier part d’un constat : la majorité des gens, à un moment donné, a été touchée par le doublage. « Nous avons tous été enfants. Or, tous les programmes que nous avons regardés étaient en version française. Nous avons tous vu notre premier Disney au cinéma en version française. Si bien que nous avons tous en nous des voix nous ayant marqués. Ces voix sont devenues des madeleines de Proust. Quand on regarde tous les épisodes d’une série animée, certaines voix finissent par s’ancrer dans notre subconscient ».

Aujourd’hui âgé de 47 ans, Olivier appartient à une génération ayant connu La Dernière Séance. L’émission était l’occasion de regarder des films hollywoodiens en version française. « J’ai donc été bercé par ces voix de comédiens qui doublaient les grandes figures d’Hollywood : John Wayne, Charlton Heston, Kirk Douglas, etc. ».

Réactivation d’un projet personnel

Ces films doublés ont nourri la cinéphilie personnelle d’Olivier. Ces grands comédiens prêtant leur voix aux stars hollywoodiennes l’ont profondément touché. Petit à petit, il en est venu à se poser des questions, auxquelles il ne trouvait aucune réponse. « Le doublage était très opaque à l’époque, plus encore qu’aujourd’hui. Par la suite, j’ai fait des études de cinéma. Je me suis renseigné sur le doublage, et il n’existait aucun ouvrage sur le sujet. Je me suis dit qu’il serait intéressant d’y consacrer un livre, après avoir interviewé ces comédiens de doublage ».

C’est comme cela que tout a commencé, alors qu’Olivier n’avait que 25 ans. Il a donc interviewé une vingtaine de comédiens de doublage parmi les plus illustres : Raymond Loyer (la voix de John Wayne), Roger Rudel (Kirk Douglas), Thierry Desroses (Samuel L. Jackson) ou encore Patrick Poivey (Bruce Willis). « Malheureusement, le livre que j’avais en tête n’est pas sorti. J’ai mis cela de côté pendant vingt ans. Au moment de la pandémie, je me suis dit que je ne pouvais pas laisser de telles pépites inexploitées ». Olivier décide donc de valoriser ce matériau brut, en donnant à son travail la forme d’un magazine. En effet, une parution périodique lui paraît mieux adaptée à son projet.

Olivier Barbery (c) Synchro Magazine
Olivier Barbery (c) Synchro Magazine

Des comédiens de doublage au talent manifeste

Frappé par le talent manifeste de ces comédiens, il cherche à les faire sortir de l’ombre. « Les très bons comédiens de doublage sont d’excellents comédiens, tout court. Ils ont pris des cours de théâtre, suivi différentes formations. Ils ont fréquenté le conservatoire. Souvent même, ils jouent au théâtre. Ils ont également des rôles à l’image (films, séries) ».

A contrario, tous les comédiens ne peuvent pas faire de doublage, car il s’agit vraiment d’une technique particulière. « Elle requiert un œil, une écoute, et surtout la capacité de se mettre au service l’acteur ou de l’actrice qui est à l’écran. Un comédien qui fait du doublage n’est pas un doubleur. C’est un comédien à part entière qui s’adonne à un exercice particulier du métier de comédien ».

Les doublages de Starsky et Hutch ou d’Amicalement vôtre : de petits chefs d’œuvre en soi

Parmi les chefs d’œuvre du doublage, Olivier cite Starsky et Hutch. Dans la version française, Francis Lax et Jacques Balutin doublent les deux héros de la série. Ils improvisent énormément, introduisant beaucoup d’humour, jusqu’à obtenir un résultat finalement bien différent de la version originale. « Ils ont fait quelque chose qui avait une âme en soi. Le résultat est extraordinaire ».

De même, le succès en France de la série Amicalement vôtre, qui n’a pas du tout marché dans le reste du monde, repose sur le doublage de Roger Moore par Claude Bertrand, et de Tony Curtis par Michel Roux. Là encore, les comédiens français ont réalisé un travail extraordinaire aussi bien sur l’adaptation que sur le jeu. Le doublage a sauvé cette série en France en lui donnant l’humour qui manquait peut-être à la version originale. Si bien qu’Amicalement vôtre (VF) fait maintenant figure de véritable pépite.

Synchro Magazine, à l’attention des voxophiles

L’ambition d’Olivier consiste à faire un magazine à l’attention de passionnés de doublage : les voxophiles. Ces derniers aiment les voix et ils ont une sensibilité particulière pour le jeu des comédiens de doublage. Olivier veut faire de Synchro Magazine un écrin pour cet exercice du doublage, ce qui est une première mondiale.

Lui-même fan de cinéma depuis sa plus tendre enfance, il a accumulé chez lui près de 400 magazines de cinéma : depuis Studio jusqu’à Première, en passant par Les Cahiers du cinéma. Or, le doublage n’est pratiquement jamais abordé dans ces publications. Il est même totalement absent des Cahiers du cinéma. Dans Studio ou Première, c’est à peine si un tout petit article d’une page maximum est consacré au sujet, tous les cinq ou dix ans. « Aujourd’hui, je fais un magazine de 120 pages qui ne parle que de doublage. Pour moi, cela contribue à réparer une injustice flagrante ».

Parmi les sujets qu’Olivier aborde dans Synchro Magazine, on trouve de nombreux interviews de comédiens. Il réalise des portraits, aussi. « J’ai par exemple fait le portrait de Jacques Frantz, la voix de Robert de Niro et de Mel Gibson (interview et portrait combinés de dix pages). Ce faisant, j’ai pu souligner la qualité de son travail. J’ai également consacré un portrait à Patrick Poivey, la voix française de Bruce Willis, Kyle MacLachlan ou encore Don Johnson ».

Olivier entretient également le dessein de réaliser des reportages sur certains doublages en train de se faire, au sein même des studios de doublage. Malheureusement, les restrictions liées au Covid ainsi qu’à la lutte contre le piratage l’ont pour l’instant empêché de concrétiser son projet. Mais ce n’est que partie remise…

(À suivre)

Plus d’informations sur : synchrodoublage.fr.

Couverture Synchro Magazine Patrick Poivey
Patrick Poivey en couverture de Synchro Magazine

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