La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC) interdit, à partir du 1er janvier 2023, l’impression et la distribution systématiques de tickets de caisse. Jordan Chemouhoum y voit une fantastique opportunité. Il co-fonde ainsi Noticia à Marseille en mars 2020, dans le but de dématérialiser les tickets de caisse. Comment s’y prend-il ? Comment est-il accueilli ? Sa solution est-elle vraiment plus écologique ? Nous l’avons interviewé pour qu’il réponde à nos questions…
Lorsque nous rencontrons Jordan Chemouhoum, co-fondateur et CEO de la start-up Noticia, ce dernier sort tout juste de la Paris Retail Week. « Nous étions sept derrière notre stand. Chacun d’entre nous a parlé à une cinquantaine de personnes chaque jour. Cela fait pas mal de monde à recontacter derrière. De nombreux commerçants étaient présents au salon. Tous nos interlocuteurs ont semblé très intéressés par la solution. ».
Noticia : comment tout a commencé
Issu d’une classe préparatoire math sup/math spé à Marseille, sa ville d’origine, Jordan intègre par la suite Télécom SudParis. Il en sort en 2019 avec un diplôme d’ingénieur data scientist. Il commence sa carrière chez Deloitte, à La Défense, où il travaille pendant trois ans. « Je recevais de gros fichiers excel pleins de données. Puis je faisais tourner des algorithmes pour en tirer des KPI (Key Performance Indicators). Ces indicateurs permettaient au client de mesurer l’efficacité de sa campagne marketing. Ou bien alors de repérer tout autre phénomène atypique difficilement perceptible ‘à l’œil nu’ ».
Tout en continuant de travailler chez Deloitte, Jordan fonde Noticia avec Neil Azouz le 1er mars 2020. Au départ, il s’agit pour eux d’un simple side project. Ils étaient loin d’imaginer l’ampleur que ce dernier prendrait. Tout a commencé lorsqu’ils ont participé à un concours de la BPI — qu’ils ont malheureusement perdu. « Qu’importe : ce qui nous plaisait, c’était de nous atteler à la problématique de la dématérialisation des tickets de caisse, pour laquelle aucune solution n’existait encore ».
À partir de là, Jordan et Neil passent deux ans et demi à faire de la R&D. Ils ont l’idée d’en passer par un QR code, ce qui éviterait de télécharger une appli. « Aujourd’hui, la solution technique est d’ores et déjà proposée sur le marché, même si nous y apportons des améliorations constantes. En effet, nous recevons des retours de la part des magasins que nous avons équipés, ce qui nous permet de perfectionner certains aspects. Cependant, aujourd’hui, nous concentrons le plus gros de notre effort sur l’aspect commercial, notamment depuis septembre 2022 ».
Un cahier des charges précis : pas d’échanges de données personnelles
Dès le départ, Jordan et Neil souhaitent que leur solution soit fluide pour le commerçant. Elle ne doit pas provoquer de ralentissement au moment du passage en caisse. De plus, ils la destinent à tous les commerçants, aussi bien les indépendants que les grandes enseignes. Quel que soit leur secteur : chaussure, habillement, alimentaire, fast food, etc. Enfin, leur solution doit pouvoir être installée rapidement et de façon simple.
Côté consommateur, Jordan et Neil veulent que leur système convienne au plus grand nombre, depuis les adolescents jusqu’aux personnes âgées. En outre, ils tiennent à ce qu’il ne soit pas intrusif, en évitant de collecter des informations personnelles. Tout en se situant dans la continuité des pratiques actuelles : le consommateur tend la main et reçoit son ticket. Enfin, last but not least, l’aspect écologique est au cœur du projet de Noticia.
Selon Jordan, « nous avons donc identifié un faisceau de contraintes. En mai 2021, nous avons rencontré une grande enseigne, qui s’est montrée enthousiaste. C’était le signal que nous attendions. J’ai donc démissionné pour me consacrer à plein temps au développement de Noticia ».
Noticia : comment ça marche ?
Le principe du fonctionnement de Noticia est très simple. L’agent de caisse scanne les produits achetés, le client règle par chèque, carte ou espèces. Puis il scanne le QR code de Noticia, affiché au niveau du passage en caisse. Une page s’ouvre alors sur le navigateur internet de son smartphone, avec le ticket de caisse tel qu’il l’aurait reçu en version papier.
Comme le note Jordan, « aucune information n’est demandée. Le consommateur a simplement scanné un QR code. De plus, nous sommes en mesure d’associer chaque ticket à son smartphone. Si le consommateur passe dans un magasin, puis dans un second, etc. nous reconnaissons qu’il s’agit du même smartphone. Le consommateur aura donc tous ses tickets réunis sur la même interface, alors même qu’il ne s’est pas inscrit. S’il a besoin d’envoyer son ticket à son expert-comptable ou de l’intégrer à une note de frais, il est toujours possible de l’exporter au format pdf. »
Quant au commerçant, il dispose sous le ticket d’un espace promotionnel. Par le biais de la plateforme Noticia, il peut soit designer une promotion en direct. Ou faire glisser une image préexistante que son service marketing aura créée pour lui. « Derrière, poursuit Jordan, il aura accès à des indicateurs de performance : nombre de vues de la promo, nombre de clics, etc. Il pourra ainsi apporter certaines modifications pour en accroître l’impact ».
Soutiens en matières financière et de conseil
Pour financer le développement de sa start-up, Jordan réalise une levée de fonds auprès de deux business angels. Il s’agit, d’une part, de Daniel Bernard, ancien PDG de Carrefour monde et de Kingfisher. D’autre part, Mehdi Houas, PDG de Talan, une société de conseil forte de 6.000 consultants basée à Paris, soutient également le projet. En outre, Noticia a reçu des appuis financiers de la BPI.
Sans fausse modestie, Jordan avoue que sa start-up suscite l’intérêt de nombreux investisseurs potentiels. « Cependant, nous recherchons vraiment des acteurs susceptibles de nous apporter un plus ». Ainsi, Daniel Bernard vient avec son réseau et son expérience du retail. Mehdi Houas, quant à lui, joue le rôle d’un mentor, en mettant à la disposition de Noticia ses consultants et experts. « Par exemple, nous avions besoin d’en savoir plus en ce qui concerne le RGPD et les problématiques liées à la protection des données personnelles. De ce point de vue, nous avons pu nous appuyer sur un consultant de Talan. Il nous a montré comment traiter la data sur le plan technique, tout en restant en conformité avec le RGPD ».
La dématérialisation du ticket de caisse, sans mailing ni compte de fidélité
À l’opposé, les solutions actuelles de dématérialisation passent majoritairement par le mailing. Le client doit donc fournir une adresse mail, souvent composée de ses nom et prénom. De plus, l’adresse mail en elle-même représente une information personnelle. Si elle est récupérée, elle peut servir à l’envoi de mails promotionnels. « Nous avons donc éliminé cette solution ».
La dématérialisation passe également par les comptes de fidélité. « Dans les magasins, vous scannez votre carte de fidélité et vous recevez votre ticket de caisse dans votre compte de fidélité. Or, pour créer ce dernier, le commerçant demande généralement vos nom, prénom et adresse, un numéro de téléphone ou encore une date de naissance. Autant de données classées comme sensibles par le RGPD. Cela nous paraissait inimaginable de demander ce genre d’informations pour récupérer un ticket de caisse ».
Noticia : une solution 350 fois moins polluante
Au-delà de ses aspects techniques, l’enjeu principal de Noticia consiste à ne pas déplacer le problème de la pollution engendrée par les tickets papier, en la remplaçant par une pollution numérique. C’est désormais chose faite (et vérifiée). « Un ticket de caisse dématérialisé par Noticia est 350 fois moins polluant qu’une solution papier ou de mailing ».
En effet, un ticket transmis par mail, généralement sous la forme d’une pièce jointe en pdf, est relativement lourd. Noticia utilise des fichiers plats de type JSON, infiniment plus légers. Alors qu’un ticket pdf représente une empreinte carbone de 19 g. de CO2 par an, un fichier JSON n’en représente que 0,3 g.
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De plus, un ticket de caisse Noticia est conservé pendant un an au plus, sauf s’il est marqué comme important par le consommateur. « Nous réalisons la suppression des tickets nous-mêmes, par souci d’économie. En revanche, les mails ne sont généralement pas supprimés par le consommateur. Or, un mail utilise 9,5 g. de CO2 par an, pour son seul stockage. Par comparaison, le ticket Noticia n’a pas d’empreinte carbone du tout car il entretemps disparu ».
Noticia : une solution simple et scalable
Si un commerçant se montre intéressé, Noticia lui envoie un technicien pour effectuer quelques modifications sur sa caisse. « En quelques minutes, notre solution est intégrée. Elle permet de récupérer le ticket pour l’envoyer à nos serveurs ».
Outre sa simplicité de mise en œuvre, Noticia se distingue de deux façons : la scalabilité, d’une part. « Nous sommes aujourd’hui les seuls à pouvoir toucher l’ensemble des commerçants, quels que soient leur secteur ou leur taille ». D’autre part, la solution Noticia se situe dans la continuité des usages actuels. « Aujourd’hui, on tend le bras, on prend son ticket, sans donner la moindre info. Avec nous, conclut Jordan, on tend le bras, en scanne un QR code et on ne donne pas d’info non plus ».
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