À quoi le mot ‘vestiaire’ fait-il penser ? Il s’agit d’un lieu où l’on dépose manteaux, sacs et couvre-chefs quand on va au théâtre ou au concert. Ou bien il désigne le lieu où l’on se change pour se mettre en tenue. Lorsqu’elle crée sa griffe en 2018, Mister k., « le vestiaire engagé », Charlotte Husson s’intéresse plutôt aux pièces d’habillement iconiques définissant le dressing d’une personne. Dans l’interview qu’elle nous donne, Charlotte évoque son travail autour de sa ligne de vêtements élégants, produits au plus juste et de façon durable. Car c’est bien là que se trouve le fondement de sa marque-concept…
Lorsque nous la rencontrons, Charlotte Husson commence par évoquer l’événement fondateur de sa vie, à l’origine de son incroyable détermination. « J’ai été malade en 2013 d’un cancer de l’ovaire à un stade très avancé. Je pense que c’est l’évènement de ma vie qui a cristallisé tout ce que j’avais enfoui en moi. Une fois que l’on m’a annoncé que j’étais en rémission, après deux ans de traitement, j’ai été prise d’un souffle de vie et de détermination ! J’ai alors choisi l’entrepreneuriat, prolongement du roller coaster d’émotions par lequel je venais de passer. Et qui m’a appris à rebondir et aussi à relativiser ».
D’une épreuve, faire une opportunité
Comme la mode est sa passion depuis toujours, elle décide de faire une école de stylisme. Elle fait ses premières armes chez un créateur, Heimstone, pendant quatre ans. À la fin de cette première expérience, elle est débauchée par Sezane pour dessiner leur première collection. C’est au moment où elle annonce sa décision à Heimstone qu’elle découvre son cancer. Jusqu’à l’annonce de sa maladie, elle était simplement styliste salariée. « Beaucoup de copains m’encourageaient déjà à lancer ma propre marque. À l’époque, je n’osais pas. J’étais persuadée d’être une très bonne exécutante et ce rôle me suffisait ».
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Face à la maladie, ses perspectives changent du tout au tout. Elle réintègre l’équipe de Sezane à la fin de son traitement, qui aura duré deux ans. « J’ai rapidement ressenti une aversion pour la contrainte. Je ne souhaitais plus rendre de comptes, ni faire une mode éloignée de ce que j’aimais. C’est à ce moment que je me suis rendu compte que je me cachais derrière mes peurs. J’ai réalisé qu’il était temps pour moi d’oser pour m’accomplir ».
Adapter le vestiaire masculin à l’élégance féminine…
Aujourd’hui, l’idée pour les femmes consiste à se draper de la même force symbolique que les hommes. Sans militantisme : il s’agit davantage d’une question de goût. En l’occurrence, Charlotte trouve que le vestiaire pour hommes possède une particularité. « Pour moi, les hommes sont plus sensibles aux matières et aux pièces qui durent (matières, coupes) ». Une fois qu’un homme a trouvé sa coupe, il demeure généralement fidèle aux marques qu’il affectionne. Au contraire, une femme fait face à un choix si vaste que cela provoque une frénésie d’achats jetables. « Or, selon Charlotte, on se rend compte que l’on porte globalement toujours les mêmes choses, que l’on soit un homme ou une femme ».
Par conséquent, elle inscrit son militantisme dans la recherche d’un vestiaire de qualité, durable. De belles matières dont on ne se lasse pas, des couleurs qui ne se démodent pas. Son but consiste à faire des choses pérennes, avec de l’allure.
… en s’inspirant de Saint-Laurent
Pour trouver l’inspiration, elle fouille dans ses archives, à la recherche de pièces provenant de son père et de sa grand-mère, qui s’habillait comme un homme. « Cela lui allait divinement bien. Elle mettait toujours de grandes chemises. J’ai ainsi gardé dans mes archives pas mal de ses vêtements. Je suis repartie de mes souvenirs que j’ai réadaptés avec l’aide d’un modéliste ». Car Charlotte s’inspire des méthodes de la vieille école. Autrement dit, elle dessine toutes ses collections à la main. Puis elle travaille ensuite avec un modéliste à Paris, qui développe toutes ses toiles. Les carrures deviennent plus étroites, les longueurs s’adaptent et les croisures se féminisent. Il en ainsi des blazers et des chemises Mister k.
Résultat : elle trouve assez sexy pour une femme de porter des pièces masculines. « Cela peut lui donner une allure folle et la rendre très élégante. Saint-Laurent a grandement contribué à démocratiser le vêtement masculin à l’attention des femmes ». Comme Charlotte le constate, cela a représenté une véritable révolution pour les femmes que de se parer de costumes d’hommes. Cela leur a donné l’occasion de vivre des vies plus actives, tout en étant à leur aise et en ayant, enfin, des poches !
Réservation et stock : une façon de consommer la mode au plus juste
La mission de Mister k. aujourd’hui consiste à produire au plus juste, sans surproduire. Cela s’organise autour de deux volets. Premièrement, pour son « stock limité », Charlotte rachète les stocks dormants de grandes maisons. Ou bien elle passe directement par ses fournisseurs européens de tissus. « Nous confectionnons avec les matières déjà existantes ».
Deuxièmement, Charlotte propose à ses clientes de pré-commander, dans le cadre de la « réservation ». « C’est la partie de notre vestiaire la plus mode, intemporelle dans les coupes, mais aussi plus engagée visuellement. Nous faisons nos propres imprimés. Nous tissons nos propres tweeds. Puis nous produisons à la demande nos matières et nos vêtements ».
Charlotte réalise un dessin, qu’elle associe à une matière, avant de développer ses toiles avec Jean-Michel, son modéliste. « Nous les envoyons ensuite dans nos ateliers, partout en Europe. Chacun d’eux monte un prototype, que nous validons. Ensuite seulement, nous lançons la production ».
Des ateliers au top de leur savoir-faire, partout en Europe
Chaque pays a ainsi sa spécialité. En Italie, les ateliers se distinguent dans le tricot et les foulards, entièrement tissés et fabriqués sur place. La Pologne est spécialisée dans les pièces à manches (blazers, manteaux, chemises et autres pièces floues – robes, pantalons, etc.). En France, la maroquinerie prime, confectionnée en zéro gâchis à partir de stocks de peau existants. « Nous avons un atelier à Cholet et un autre à Paris, pour les perfectos ». Le Portugal, quant à lui, se spécialise dans le jersey et le denim.
À chaque lancement de collections de « réservation », Mister k. réalise des foulards, comme autant de teasers des collections à venir. « Nous dessinons en effet nos propres imprimés (trois par saison) avec une illustratrice. Nos clientes ont la possibilité de précommander nos foulards, ce qui leur donne un avant-goût du look de la saison à venir. Ce dernier est ensuite décliné sur des chemises, robes, pantalons, etc. »
Des indiennes aux mantras : la spiritualité de Mister k.
En ce moment, Charlotte nourrit une nouvelle obsession pour le block print. « Nous avons l’intention de travailler avec l’Inde la saison prochaine. Il existe un savoir-faire ancestral en Inde concernant cette technique d’imprimés. Cela se rapproche de la sérigraphie : chaque centimètre carré est printé à la main, sur d’énormes blocs. Cela représente un travail inouï, irrégulier car artisanal, ce qui lui donne un charme fou ! »
Par ailleurs, chaque année, Charlotte réalise une collaboration avec un(e) artiste, comme avec Tess Dumon. Cette dernière a déjà dessiné plusieurs mantras, dont le « Never Give Up », emblématique de Mister k. L’intérieur des packagings envoyés aux clientes fourmille de dessins d’artistes, parmi lesquels se glissent discrètement des mantras. Les boîtes peuvent donc être réutilisées comme autant de boîtes de rangement, richement décorées.
Transparence sur la marge de Mister k.
Le prix de chaque pièce de Mister k. est détaillé sur la fiche du site qui lui est consacrée. « Par exemple, si vous allez sur le blazer ‘Albert’, nous analysons tous nos frais dans la partie inférieure de la fiche-produit. Cela va de la création à la production, en passant par les matières, la confection ou encore l’acheminement ».
Par souci de transparence, Charlotte n’hésite pas à évoquer la marge, notamment en story. Cette dernière vient rémunérer les salaires, shootings, marketing, communication, etc. À ce propos, la marge de Mister k. est encore assez faible. Or, avec l’augmentation du prix des matières, l’objectif est de parvenir à un taux de 3,5% minimum.
Croître sans se presser, façon Mister k.
Suite à son succès, Charlotte avoue s’être laissé griser par un désir de croissance et de conquête, qu’elle a vite réfréné. « Notre modèle de développement lent me convient parfaitement ». Néanmoins, si elle pouvait avoir une belle boutique en rez-de-chaussée, avec son atelier et ses bureaux à l’étage du dessus, elle en serait vraiment heureuse.
En dehors de Paris, Charlotte envisage d’organiser des évènements ponctuels en France. « Cela prendrait la forme d’évènements itinérants, sans boutiques permanentes ». Car Mister k. revendique son statut de « marque incarnée », centrée autour de sa fondatrice ! « Or, je n’ai pas le don d’ubiquité », conclut-elle dans un rire !
« L’Impossible est mon espoir », le mantra de Charlotte Husson lors de son aventure avec Mister k. Photo : (c) Mister k. Vidéo : (c) LaTDI.
Showroom situé au 5 rue de Charonne, quartier de la Bastille, Paris. Ouverture du mercredi au samedi en décembre, sans rendez-vous. Le reste de l’année, essayages sur rendez-vous uniquement du mercredi au samedi.
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