Peut-on parler librement de la mort, sujet sensible s’il en est ? Sarah Dumont décide de sauter le pas en 2018. Elle crée le site ‘Happy End’ pour évoquer la mort de façon décomplexée, bien que respectueuse. À travers des témoignages, conseils, recommandations de lectures et autres propositions de services, ‘Happy End’ offre des ressources incontournables pour celles et ceux qui traversent un moment difficile dans leur vie. Toujours dans le but de les accompagner et de les soulager.
Pendant 15 ans, Sarah Dumont exerce en tant que journaliste dans les rubriques société et psychologie de la presse féminine. Ce qui ne l’empêche pas de ressentir une attirance pour les sujets liés à la mort. En 2012, elle perd son père et les funérailles de ce dernier donnent lieu à une cérémonie… sortant de l’ordinaire. « Nous avons organisé son enterrement dans une salle de concert parisienne. Son cercueil était sur scène. Il y avait une énergie différente. Les gens applaudissaient à chaque hommage. Je n’avais jamais rien vu de tel ! Là, aucune posture de deuil traditionnel dans l’assistance. Le cercueil est même parti au crématorium couvert de post-its ! »
Pendant la cérémonie, Sarah note que l’assistance, bien qu’enthousiaste, ne sait pas qu’il est possible de faire les choses autrement. Pour remédier à cela, elle crée en 2018 le site ‘Happy End’. Ce faisant, elle aborde la mort sous tous ses aspects, que ce soit avant, pendant ou pour accompagner sur le chemin du deuil.
Happy End : une association doublée d’une entreprise
« La mission commune de l’entreprise et de l’association consiste à libérer la parole sur la mort l », déclare Sarah. Avec le souci de répondre au mieux aux besoins des internautes. Ainsi, à partir de fin janvier 2023, le site proposera trois parcours, centrés sur les thématiques suivantes. ‘J’anticipe mon départ’ ; ‘J’organise des obsèques’ ; et ‘Je vis un deuil’. Ces différents parcours permettront au public d’accéder à des ressources (articles, témoignages, livres…). De plus, les personnes pourront entrer en contact avec des associations ou des professionnels pouvant les accompagner. Il leur sera possible, même, de briser l’isolement en participant à des rassemblements portés par Happy End, côté associatif.
Côté entreprise, le business model de Happy End repose sur une activité d’agence de communication et d’événementiel. Elle organise des conférences ou des colloques sur le sujet de la mort et le deuil, tout en proposant des contenus spécialisés. Organisme de formation, elle forme des professionnels ou futurs professionnels sur les sujets de l’accompagnement du deuil. Ou bien encore sur les nouveaux métiers funéraires, tels que les officiants de funérailles civiles.
De plus, en tant qu’annuaire spécialisé sur la mort et le deuil, elle propose des abonnements aux professionnels de l’accompagnement de la mort. Cela recouvre les officiants de cérémonies civiles ou les deaths cleaners proposant des prestations de ménage, tri et réorganisation des affaires d’une personne âgée. Happy End s’adresse également aux funeral planners ou encore aux thérapeutes spécialistes du deuil. Enfin, le site propose des services pour personnaliser ses obsèques ou organiser sa mort numérique.
Covid : le grand retour de la mort
La crise sanitaire, avec son cortège de décès, nous a rappelé la fragilité de la vie. Jusque-là, nous avions perdu le mode d’emploi de la mort. En effet, 80% d’entre nous meurent à l’hôpital, si bien que la mort est évacuée de notre champ de vision. Nous en déléguons la gestion au corps médico-social, aux pompes funèbres et aux Églises.
Finalement, la mort est devenue la grande absente de la sphère intime, amicale et familiale. Nous n’assistons plus aux veillées ni aux cortèges funèbres. Nous ne portons plus le deuil. Selon Sarah, « nous avons perdu ces points de repère qui permettaient de vivre les choses de façon moins solitaire. Or, les rites funéraires représentent le premier pas, indispensable, dans tout cheminement de deuil ».
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Apéros de la mort : les rendez-vous thérapeutiques de Happy End
Sarah constate que la disparition de la mort ne fait qu’amplifier le traumatisme qu’elle induit. Elle créée par conséquent les Apéros de la mort en décembre 2018. Comme elle se le rappelle, « je me suis inspirée de la démarche de Bernard Crettaz, sociologue et ethnologue suisse à l’origine des ‘Cafés mortels’. Il s’agissait déjà pour lui de rompre la solitude des personnes touchées par un deuil. Mais aussi de libérer la parole sur ce sujet banni des conversations ».
Le nom de ces rendez-vous, ‘Apéros de la mort’, peut surprendre. Mais Sarah souhaite réhabiliter le mot ‘mort’, qu’on a si peur de prononcer. Elle veut en outre l’accoler à un temps de convivialité, comme un pied de nez au déni de la mort dans notre société. Pour autant, elle prend toujours soin, avec Sophie Poupard-Bonnet, coach spécialiste de l’accompagnement du deuil, d’animer ces rendez-vous en faisant preuve de respect et de tact. La charte des Apéros, qui essaiment aujourd’hui en France, impose ainsi qu’un des co-animateurs soit formé à l’accompagnement du deuil.
Selon Sarah, « les endeuillés souffrent déjà beaucoup de certaines paroles maladroites, ainsi que des injonctions à se relever vite. Cette charte permet donc d’offrir un cadre sécurisant et bienveillant aux participants ». En effet, les Apéros de la mort sont très majoritairement fréquentés par des personnes endeuillées. Depuis les mamans ayant perdu leur enfant aux individus affectés par la mort d’un parent, Sarah constate un réel besoin de partager sa trajectoire de deuil. Les personnes veulent parler de leurs morts sans pour autant faire fuir les autres. Malgré la gravité de certains témoignages, les Apéros représentent des moments où on se sent très vivant. « Même quand on a vécu le pire et qu’on a un temps pensé à rejoindre l’être aimé, on a malgré tout l’envie de continuer de vivre. Paradoxalement, les Apéros de la mort amènent un vent d’espoir ».
30% des Français optent pour des funérailles civiles
Nous interrogeons Sarah sur la nature des liens qu’elle entretient avec les religions. Car ces dernières sont généralement les dépositaires des rites funéraires. Sarah répond qu’elle n’a de relation particulière avec aucune. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir pensé à la question. « Sur notre chaîne YouTube, nous avons interviewé tous les référents du culte. Nous voulions qu’ils nous expliquent la façon dont ils prenaient soin de leurs morts. Car nous cherchons à comprendre les rites de chacun d’entre eux. C’est passionnant ! »
Quand on appartient à un culte religieux, on bénéficie par conséquent d’un référent qui va accompagner l’organisation des funérailles. Cependant, quelles sont les alternatives pour les 30% de Français optant pour des obsèques civiles ? À l’attention de ces derniers, Sarah a écrit Un enterrement comme je veux. « Nous aidons ces personnes à imaginer la façon dont elles pourraient accompagner leur mort. Et nous faisons en sorte que ce moment raconte le défunt et lui ressemble ».
Cependant, que l’enterrement soit religieux ou civil, une personne pourra se montrer intéressée par un lâcher de papillons ou de colombes. Ou alors avoir envie que ses cendres soient dispersées en mer lors d’une cérémonie sur un bateau ou par drone. « Elle trouvera alors ce type de propositions sur Happy End ».
La part d’invisible de Sarah Dumont
Après le décès de son père, Sarah avoue avoir vécu plusieurs épisodes de VSCD (Vécu Subjectif de Contact avec les Défunts). Il s’agit d’une expérience de contact entre un défunt et une personne en deuil. Cette mise en présence se produit généralement pendant un moment de « vacance » de l’esprit. « Nous sommes très nombreux à vivre ce genre d’expériences, comme en témoignent les multiples études sur le sujet ».
Par exemple, Christophe Fauré, psychiatre renommé et spécialiste du deuil, a consacré un livre à ces phénomènes : Cette vie et au-delà : enquête sur la continuité de la conscience après la mort. Sarah reçoit chaque semaine des témoignages de personnes ‘visitées’ par leur mort, ce qui n’est pas sans provoquer parfois de l’inquiétude ! « Il est donc important d’aborder le sujet, ne serait-ce que pour rassurer. Certaines personnes vont même jusqu’à consulter un medium, car elles sont troublées par les manifestations de cette présence ‘invisible’ ». Sarah considère que cela fait partie des ressources aidantes, au même titre que le fait de consulter un psychologue ou bien de se plonger dans la lecture d’un ouvrage.
Avec Happy End, Sarah Dumont n’hésite pas à bousculer la perception de la mort. Pour aider les personnes endeuillées, elle propose ainsi de libérer leur parole, autour d’un « Apéro de la mort » ! Photo et Vidéo : (c) LaTDI.
Happy End : le site compagnon par excellence des familles pour mieux vivre la mort
Afin d’offrir un accompagnement de qualité au plus grand nombre lors de cette étape de vie délicate, Happy End noue actuellement des partenariats avec des mutuelles, banques et assurances. Ces dernières offriront ainsi à leurs clients ou adhérents la possibilité de dialoguer avec des experts du deuil et de la fin de vie, lorsque le besoin s’en fera sentir.
Pour une entreprise, cela peut représenter un outil efficace pour combattre l’absentéisme, tout en créant une relation réconfortante et aidante vis-à-vis d’un salarié touché par la mort. Les banques, quant à elles, peuvent continuer à vendre des contrats obsèques, tout en remplissant leur devoir de conseil et en apportant toutes les réponses nécessaires pour éclairer les choix de leurs clients.
D’ici dix ans, Happy End compte devenir le site incontournable des Français, mais aussi des Belges, des Canadiens ou des Suisses pour mieux appréhender la mort. De plus, dans le prolongement de ses Apéros, Sarah a l’intention de mettre sur pied un Festival de la mort. Le but sera de piquer la curiosité du grand public, mais aussi de le faire réfléchir et de lui faire vivre des expériences. Elle considère qu’elle aura permis aux hommes et aux femmes de faire un grand bond en avant lorsque la mort sera enfin devenue un sujet ‘mainstream’ !
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