Suite de la visite de l’exposition ‘Une Vie d’ateliers’ se tenant au musée Zadkine de la rue d’Assas, dans le quartier parisien du Montparnasse. Laissons-nous guider par la directrice du musée et commissaire de l’expo, Cécilie Champy-Vinas. Dans la deuxième partie de son interview, elle parcourt avec nous les différentes salles de l’exposition. Depuis l’arrivée du sculpteur à Paris en 1910, jusqu’à sa mort en 1967. Elle en profite pour nous conter la genèse de son œuvre la plus connue, La Ville détruite. Enfin, elle nous révèle quelques anecdotes personnelles sur la vie d’Ossip Zadkine, telles qu’il les a lui-même contées dans ses mémoires : Le Maillet et le Ciseau : Souvenirs de ma vie.
L’exposition s’organise de façon chronologique, en suivant le déroulement de la vie de Zadkine. Même si le parcours proposé par Cécilie s’apparente parfois à un cheminement ‘chronothématique’. En effet, à chaque époque de la vie de Zadkine correspond un thème. La première partie concerne la vie à Montparnasse. La deuxième époque, à partir du moment où il s’installe rue d’Assas en 1928, évoque le lien avec la maison que nous explorons (rapports au jardin, à la nature, à l’atelier). Ensuite, nous abordons une partie consacrée à la Deuxième guerre mondiale. Puis enfin, vient l’après-guerre, période de la consécration pour Zadkine.
Montrer les coulisses de la création
Le parcours s’effectue en deux temps principaux : premièrement, le visiteur explore l’ancienne maison. Deuxièmement, il pénètre dans l’atelier plus récent, car bâti dans les années 1950. « Nous avons fait le choix d’évoquer de façon appuyée l’atelier de Zadkine tel qu’il se présentait à la fin de sa vie. Ainsi, les outils et le mobilier que nous exposons correspondent à ce qu’il a laissé au moment de son décès : samovar, pipes, ciseaux, etc. Il a sans doute gardé toute sa vie certains de ces objets. Au moment de son décès, sa veuve Valentine Prax les a tous cédés pour créer le musée ».
À travers cette exposition, en particulier dans l’atelier, Cécilie montre les coulisses de la création. « Comment Zadkine sculptait-il, avec quels outils ? Nous présentons un ancien meuble dont il se servait peut-être comme d’un établi ou d’un bureau. Certaines des sculptures du maître sont exposées sur des sellettes (mobilier typique de l’atelier des sculpteurs). Nous évoquons également son activité d’enseignement, avec de nombreuses photographies sur lesquelles on le voit modeler ou corriger les sculptures de ses élèves. Nous avons ainsi souhaité donner un aperçu au visiteur de la façon dont une sculpture se faisait ».
À gauche : Ossip Zadkine, Formes féminines, 1922, Lave, 78 x 43 x 16 cm, Paris, musée Zadkine. © Adagp, Paris, 2022. Photo : © Eric Emo / musée Zadkine / Paris Musées.
À droite : Ossip Zadkine, Femme à l’oiseau, 1930, Pierre de Pouillenay, 175 x 44 x 44 cm, Paris, musée Zadkine. © Adagp, Paris, 2022.
Photo : © Eric Emo / musée Zadkine / Paris Musées.
Zadkine enseignant
Zadkine étudie aux Beaux-Arts pendant six mois seulement. Mais il s’en lasse rapidement. Il commence à enseigner pendant son exil aux États-Unis, au sein des écoles d’art newyorkaises l’ayant recruté. Quand il rentre en France, il donne des cours à l’Académie de la Grande-Chaumière, située à proximité de la rue d’Assas et encore active aujourd’hui.
En parallèle, il crée sa propre école de sculpture, fréquentée par plusieurs artistes, dont une grande proportion d’étrangers. Il n’enseignera jamais aux Beaux-Arts. Il est parfois simplement sollicité pour faire partie de jurys ou pour donner des prix, compte tenu de sa notoriété dans les années 1950/60.
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La Ville détruite, œuvre phare de Zadkine
La Ville détruite constitue l’œuvre maîtresse de Zadkine. Elle est très forte, car liée à la tragédie de la Deuxième guerre mondiale. Zadkine, quand il rentre en France après son exil passé aux États-Unis, est frappé par sa vision de villes complètement bombardées. Il voit Le Havre quand il rentre en 1945. Cela lui donne un premier choc.
Il voit ensuite Rotterdam. En allant rendre visite à l’un de ses amis, il prend le train et par la fenêtre, aperçoit ce qui reste de la ville, qu’il connaît pour y être allé dans les années 1930. Il en avait gardé le souvenir d’une ville vivante, intacte. Quand il revient, il constate qu’elle n’est plus qu’un amas de décombres, ce qui lui procure un choc énorme, à nouveau.
C’est cela qui l’incite à réaliser une première maquette qu’il appelle Projet de monument pour une ville détruite. Il la montre dans plusieurs expositions, en espérant trouver un commanditaire. C’est finalement la ville de Rotterdam même qui le sollicite et lui passe commande d’un monument en bronze. Ce dernier existe encore aujourd’hui. « Son inauguration remonte au 15 mai 1953, il y a 70 ans exactement », précise Cécilie. « Le monument de Rotterdam est beaucoup plus grand que celui que nous montrons au musée, simple projet préparatoire : l’œuvre finale mesure six mètres de haut, ce qui est colossal ».
Le Maillet et le Ciseau : Souvenirs de ma vie, ou Zadkine selon ses propres mots
Le musée a réédité Le Maillet et le Ciseau pour fêter ses quarante ans. « Ces mémoires sont publiées à l’origine en 1968, juste après la mort de l’artiste. Elles étaient épuisées, si bien que de nombreux visiteurs ressentaient une certaine frustration de ne pouvoir se les procurer. Nous avons donc pris la décision de les rééditer ».
Il n’est pas si courant pour un sculpteur de produire des textes. Si Zadkine n’a jamais prétendu être un écrivain, il nourrissait néanmoins un véritable intérêt pour la littérature. Il a même écrit des poésies dans sa jeunesse.
Il n’est donc pas étonnant qu’il ait pris la décision, au soir de sa vie, d’écrire ses mémoires. « C’est un ouvrage intéressant et amusant à lire. Il donne une vision vivante de sa personnalité. Cela donne à voir l’homme qui se cache derrière l’artiste. Il parle beaucoup de son enfance, de ses amis, des personnalités qu’il a pu croiser à Montparnasse. Il écrit notamment un petit passage amusant dans lequel il évoque son amitié avec Modigliani. Nous apprenons ainsi que, lorsque les deux hommes s’étaient rencontrés, ils étaient si pauvres qu’ils en étaient réduits à mendier à tour de rôle pour se payer un café ou bien du papier pour dessiner. Le livre comporte ainsi de nombreuses anecdotes redonnant vie à nombre d’artistes extrêmement célèbres de l’École de Paris ».
Cécilie Champy-Vinas, directrice du musée Zadkine et commissaire de l’exposition « Une Vie d’ateliers », nous décrit le caractère enjoué et fêtard d’Ossip Zadkine. Elle revient également sur certains préparatifs, inattendus, de l’exposition… Photo : (c) Musée Zadkine. Vidéo : (c) LaTDI.
Informations pratiques :
Exposition Zadkine : une Vie d’ateliers présentée jusqu’au 2 avril 2023 du mardi au dimanche de 10h à 18h.
Musée Zadkine, 100 bis rue d’Assas, 75006 Paris
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