Qui n’a jamais rêvé de chaussures de ski plus confortables ? Il y a trois ans, alors qu’il randonne dans un paysage alpin enneigé, Hervé Fredouille n’en peut plus de ses chaussures de ski ! Car ces dernières sont si inconfortables qu’elles lui ôtent tout son plaisir ! Cette frustration lui donne l’idée d’une chaussure de ski d’un nouveau type : zUFO, suspendue et modulaire. En plus de présenter un design révolutionnaire, elle présente également un impact minimal sur l’environnement. Portrait d’un ingénieur, inventeur par vocation…
Ingénieur par vocation, Hervé Fredouille travaille dans l’ingénierie internationale pendant une quinzaine d’années. Son trait de caractère principal, il le résume ainsi : « j’aime résoudre les problèmes. Je n’aime pas laisser les choses en plan en me résignant face à la difficulté ». Alors qu’il fait du ski de randonnée avec un ami il y a de cela quelques années, il trouve que l’inconfort que lui procurent ses chaussures de ski est décidément intolérable. Quelle pourrait en être la solution ? C’est alors qu’une illumination lui vient…
zUFO : d’une frustration, une illumination
Comme il nous l’explique, « en ski, il est courant de fléchir son tibia ainsi que sa cheville vers l’avant. Une seule chose contrôle ce mouvement aujourd’hui : la déformation de la coque en plastique de sa chaussure de ski. La première intuition que j’ai eue a consisté à vouloir introduire un système de suspension, d’amortisseur ». Selon Hervé, les coques rigides en plastique sont une aberration. « Cette solution n’est absolument pas morphologique. Nous avons tous des largeurs de pieds différentes ; des cous-de-pied plus ou moins forts ; des chevilles et des mollets plus ou moins costauds ».
Malheureusement, les coques rigides en plastique sont les mêmes pour tous, déplore l’ingénieur. Il décide de repartir d’une feuille blanche. La fonction principale d’une chaussure de ski consiste à transmettre les efforts du corps au ski, pour permettre à l’athlète de garder la maîtrise de sa trajectoire. Et aussi du ski au corps, afin de permettre à ce dernier d’avoir un bon ressenti de la piste.
Or, la transmission de forces et de poussées ressemble furieusement à l’un des problèmes mécaniques qu’Hervé a l’habitude de résoudre, en tant qu’ingénieur. Il a donc l’idée de remplacer la coque par un exosquelette. Car non seulement ce dernier permet de garantir un excellent niveau de confort, mais aussi de transmettre efficacement les efforts du skieur.
Une nouvelle chaussure de ski modulaire à faible impact environnemental
Par ailleurs, cet exosquelette, constitué de plusieurs modules, est montable et démontable sans outils spéciaux. Cette modularité lui donne un bon indice de réparabilité. Ainsi, en cas de bris de l’une de ces pièces, il est possible de la réparer ou de la remplacer, indépendamment du reste.
De même, la modularité permet la recyclabilité de zUFO. Comme Hervé le rappelle, « pour être recyclable, un objet doit être mono-matériau. Quand on est sur un ensemble de pièces assemblées que l’on ne peut pas démonter, cela passe à la broyeuse directement. Avec zUFO, on est sur du montable / démontable. Il devient alors possible de démonter chaque module, constitué d’un matériau unique, ce qui rend l’ensemble recyclable ».
Enfin, zUFO est une chaussure adaptée au ski de piste aussi bien qu’à la randonnée. Suffisamment rigide pour le premier, elle est assez légère pour la seconde. « Par conséquent, le skieur n’a plus besoin d’avoir dans ses affaires deux paires de chaussures de ski. La quantité de paires achetées en diminue d’autant ». zUFO a donc moins d’impact sur l’environnement qu’une chaussure de ski traditionnelle.
zUFO et l’économie de la fonctionnalité : des chaussures de ski par abonnement
Au-delà de l’innovation liée au produit en lui-même, Hervé compte également innover concernant son mode de distribution en l’adaptant à l’économie de la fonctionnalité. « Plutôt que de vendre un bien ou un produit, nous vendrons un service. À l’exemple d’une entreprise comme Michelin qui, aujourd’hui, propose à certaines flottes d’entreprise un abonnement. C’est-à-dire que le fabricant de pneumatiques garantit que les véhicules concernés auront toujours des pneumatiques adaptés et bien entretenus ». Plutôt que d’avoir un pneu que l’on achète à un moment donné, la relation prend la forme d’une prestation vendue par abonnement.
Concernant zUFO, le même principe s’appliquera, en s’appuyant sur sa modularité. zUFO est construit autour d’un système d’exosquelette avec une suspension. On peut donc imaginer que cette suspension pourra être plus ou moins perfectionnée. Certaines chaussures zUFO auront simplement une suspension « basique ». Cependant, certains clients exigeront une suspension « haut-de-gamme ». « Nous proposerons un abonnement permettant à ce type de clients de bénéficier de la meilleure suspension disponible sur le marché, à tout moment ».
Le même raisonnement s’appliquera à la partie textile de la chaussure. En effet, zUFO est composé, d’une part, d’un exosquelette. D’autre part, elle intègre des composants textiles la rendant étanche. De façon compréhensible, les skieurs voudront garder leurs pieds au sec et au chaud. « À partir de ce constat, on peut imaginer de proposer une partie textile personnalisée, avec des couleurs différentes et des propriétés d’isolation thermique et d’étanchéité variées. Nous avons par conséquent l’intention de proposer une personnalisation de la chaussure zUFO aussi bien sur les plans esthétique que mécanique, le tout par abonnement ! »
Les marques d’intérêt reçues par zUFO
Aujourd’hui, zUFO est encore en phase de développement. « Nous en sommes à notre prototype P2, auquel nous avons intégré le design, en plus de la seule fonctionnalité que nous avions testée avec P1. P3 nous permettra de déterminer les matériaux définitifs. Enfin, avec P4, nous arrêterons notre choix concernant les industriels destinés à fabriquer notre chaussure ». Hervé prévoit par conséquent d’avoir recours à des usines préexistantes, situées pour la plupart en France, certaines en Europe. Quant à la partie textile, il faudra sans doute l’importer de Chine, seul pays producteur de textiles suffisamment techniques dans le monde actuellement.
Même si son produit est encore en phase de développement, Hervé a tout de même pu le présenter au dernier CES de Las Vegas en janvier dernier. « Nous en sommes revenus avec un prix de l’innovation décerné sur place (Innovation Award) ». En effet, au milieu de ce public de geeks, Hervé a défendu son concept de « chaussure connectée ». « zUFO se prête tout à fait à ce type d’options, en raison de sa suspension assimilable à celle d’une voiture. Il sera ainsi facile d’y adapter une instrumentation électronique ».
Côté investisseurs, Hervé en a profité pour nouer quelques contacts intéressants pendant le CES, en plus de ceux qu’il avait déjà « en portefeuille ». Il est d’ailleurs en train de finaliser une levée de fonds, même s’il reconnaît que cela prend du temps. « Nous en sommes à présent à un stade relativement avancé. Qui dit investissement, dit vision stratégique, et donc plan d’action. Il convient de prendre le temps de se mettre d’accord sur une communauté de vision concernant l’usage qui sera fait de ces fonds ».
3 ans de RD : fonds propres et soutiens externes
Comme il le reconnaît, Hervé vit pour l’instant sur ses fonds propres. Ce qui ne l’a pas empêché de bénéficier de solides soutiens de la part de la région Nouvelle-Aquitaine ou encore de BPI. En outre, zUFO a été le lauréat 2022 d’un appel à projets de la part de l’ADEME. L’agence de la transition énergétique a ainsi voulu distinguer le projet d’Hervé pour son faible impact environnemental.
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D’une façon plus générale, Hervé tient à célébrer l’écosystème dédié aux start-ups qui, dans notre pays, soutient efficacement les entrepreneurs. « En Nouvelle-Aquitaine, par exemple, nous pouvons compter sur le soutien d’Unitec, incubateur régional mettant à disposition des locaux ». La région propose également les services d’un accompagnateur pour faire des points réguliers sur les problèmes rencontrés et les besoins ressentis. « Cela permet de prendre un peu de hauteur de vue et facilite les prises de contact. Pour les entrepreneurs, cela représente une formidable ouverture des possibles. Autrement, l’entrepreneuriat serait bien plus compliqué encore qu’il ne l’est déjà ! »
La bonne attitude à adopter en matière de propriété industrielle, selon Hervé Fredouille, à l’origine d’un concept innovant de chaussure de ski zUFO. Protéger ses innovations en déposant des brevets, tout en demeurant ouvert aux partenariats, notamment avec les grandes entreprises. Photo : (c) zUFO. Vidéo : (c) LaTDI.
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