Tout au long de notre vie, nous accumulons un nombre invraisemblable de codes d’accès. Mails, photos, comptes bancaires, impôts ou contrats : plus rien ne se fait désormais sans ces fameux identifiants. À tel point qu’en cas de décès, les familles doivent encore trop souvent se résigner à laisser se perdre le patrimoine numérique du défunt. Malgré son importance sentimentale (ou financière) considérable. La startup Legapass propose une solution pour y remédier. Explications de son fondateur, Jean-Charles Chemin.
À l’origine développeur informatique, Jean-Charles Chemin a réalisé toute sa carrière dans des startups (musique, Qwant, santé, livraison de médicaments Livmed’s, etc.). Avec son profil d’autodidacte de la tech, il n’en devient pas moins à 30 ans un ingénieur diplômé. Il rejoint ainsi le dispositif mis en place par l’État pour valider ses acquis professionnels. « Il a fallu rédiger un mémoire, le soutenir devant un jury, etc. À l’obtention de mon diplôme, j’ai ressenti une grande fierté. Même si je n’en ai jamais vraiment eu besoin puisque, aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir capitaliser sur mon expérience. Mais c’était une petite revanche sur la vie ».
Aux origines de la startup Legapass
Sur le cloud, nous stockons un nombre important de photos qui sont autant de souvenirs de notre enfance. Avant, ces photos se trouvaient dans des boîtes et autres albums. Il était donc facile de les récupérer et de les regarder entre frères et sœurs, par exemple. Désormais, ces photos peuvent être définitivement perdues si on n’a pas accès aux comptes numériques sur lesquels elles sont sauvegardées.
En outre, de nombreuses personnes créent du contenu sur leur ordinateur. Certains écrivent des livres, d’autres des lignes de code. D’autres encore font de la musique ou des vidéos qu’ils enregistrent en local. En cas de décès, toute cette propriété intellectuelle est définitivement perdue s’ils n’ont pas pris soin d’en communiquer les codes d’accès à leurs proches.
Soulager les familles confrontées au deuil
Par ailleurs, la gestion de la fin de vie recouvre une période complexe et s’apparente souvent à une tornade administrative. À la gestion des funérailles, viennent s’ajouter de multiples démarches connexes. Il faut résilier certains contrats ou abonnements ou bien les transférer, réaliser certains versements financiers, etc. Cela peut se révéler impossible si on n’a plus accès au mail du défunt. Comme le remarque Jean-Charles, « cela ne fait que rajouter de la douleur à une situation déjà difficile. Legapass est conçue pour venir aplanir ce type de difficultés ».
Ce faisant, Legapass souhaite mettre fin à la destruction de valeur accompagnant trop souvent le décès d’une personne. Même si la perte est difficile à chiffrer, on estime que plusieurs milliards d’euros s’évaporent de la sorte. Il s’agit de sommes restées sur des comptes à l’étranger, ou alors bloquées sur une blockchain, ou bien tout simplement, ignorées. Cela représente une perte sèche pour la famille, la succession, et aussi l’État, qui ne perçoit aucune taxe.
Check-list de nos mots de passe les plus importants
Nos informations les plus sensibles concernent tout ce que nous utilisons au quotidien : ordinateur, téléphone, boite mail. Nous devons également être attentifs à nos comptes cloud, sur lesquels nous avons stocké des documents, etc. Bien entendu, tout ce qui va être d’ordre patrimonial ou financier revêt également une grande importance. Certes, le notaire peut retrouver les comptes bancaires en France. En revanche, nous ne disposons pas de registre des comptes ouverts à l’étranger.
Quant aux cryptomonnaies, ce sont des actifs qui aujourd’hui se développent beaucoup. Plus de 10 % des Français possèdent des comptes crypto. « Et dans ce domaine, il existe une vraie problématique de récupération d’héritage : comment fait-on pour accéder à ces comptes ? »
Comment s’utilise Legapass ?
L’utilisateur désireux de transférer son patrimoine numérique confie à Legapass toutes ses informations, auxquelles la startup ne pourra en aucun cas accéder. Selon Jean-Charles, « tout se passe donc comme si l’utilisateur nous confiait des enveloppes fermées et cachetées ». S’il lui arrive malheur, il confie à Legapass le soin de transmettre ses données à ses héritiers. C’est-à-dire à une succession de personnes désignées par ordre de priorité : époux, enfants, parents, cousins, etc. Grâce à cette chaîne de personnes, il est certain que l’information n’est ni bloquée, ni perdue.
Pour autant, la récupération des données ne se fait pas comme cela. Le destinataire doit prouver son identité. Legapass vérifie manuellement qu’il a bien le droit d’accéder aux informations. « Dans le cas d’une succession, nous vérifions que la personne est bien décédée et que nous avons bien en face de nous la personne désignée par le défunt ».
Comme le précise Jean-Charles, « nous considérons que la personne désignée est la représentante de la succession. Cependant, nous l’avertissons que les transferts de fonds du défunt doivent obéir à certaines règles. L’argent ne peut simplement être versé dans les poches de la personne ayant les codes d’accès. Aujourd’hui, nous nous rapprochons de certains notaires pour que cette règle soit parfaitement énoncée et respectée par nos clients ».
Legapass : ‘secure by design’
Pour Jean-Charles, la sécurité des données est, dès la conception, au cœur de son projet. Car les utilisateurs laissent à Legapass une partie importante de leur mémoire. Ils lui confient des informations sensibles et confidentielles. Si bien que la startup met en œuvre un niveau de sécurité de type militaire. Premièrement, elle utilise un chiffrement de très haut niveau de bout en bout. Cela garantit que l’information ne pourra être accessible par aucune personne durant son traitement. « Nous travaillons sur la cryptographie avec des chercheurs du CNRS et autres experts en matière de cybersécurité ».
Deuxièmement, Legapass stocke les mots de passe dont elle est dépositaire hors ligne. Autrement dit, les informations ne sont pas envoyées vers le cloud, ni sur un serveur, et encore moins sur internet. Si tel était le cas, elles courraient le risque d’être captées par des pirates informatiques. « Notre solution de stockage hors ligne fait actuellement l’objet d’un dépôt de brevet », confirme Jean-Charles.
Simulation d’attaques par des hackers
Troisièmement, Legapass réplique l’information chiffrée sur différents sites, dans une démarche dite de « redondance géographique ». Il s’agit pour la startup de se garantir contre les risques d’incendie et autres catastrophes naturelles, ou même, les actes de guerre.
Quatrièmement, Legapass a recours à la méthode du bug bounty. C’est-à-dire qu’elle rémunère des chercheurs en sécurité (« hackers éthiques »). Ces derniers attaquent la plateforme afin d’en repérer les failles éventuelles, qu’ils signalent par la suite à Jean-Charles. Legapass s’empresse alors de corriger ces problèmes.
Multiplicité des niveaux de validation
Cinquièmement, Jean-Charles met l’accent sur la formation en interne du personnel. « Nous voulons protéger notre personnel, notre entreprise, contre les risques de phishing ou de social engineering. Nous nous prémunissons ainsi contre toutes les méthodes d’attaque dont nous pourrions faire l’objet ».
Enfin, sixièmement, à chaque restitution, un huissier de justice ayant en sa possession une des clés de déblocage du coffre vérifie à nouveau l’identité du destinataire. Puis il établit un constat et remet la partie de la clé en sa possession au bénéficiaire pour qu’il puisse débloquer son coffre-fort numérique.
Un modèle économique fondé sur deux offres : freemium & premium
Avec l’offre freemium, tout le monde peut gratuitement ouvrir un compte. « Cela ne prend que quelques secondes, on s’enregistre, on peut commencer à déposer de l’information. Bien entendu, l’utilisateur freemium bénéficie du plus haut niveau de sécurité immédiatement ». Cependant, la famille devra payer des frais de transmission d’un montant minimal de 460 € pour récupérer les informations déposées.
Quant à l’offre premium, elle est proposée à 49 € par an. Elle est assortie de délais de déblocage de l’information moins longs. Car les clients premium sont prioritaires sur les autres. En outre, l’offre premium donne la possibilité de désigner son bénéficiaire absolument librement. De plus, si le mandant souhaite que certains comptes soient fermés en cas de décès, Legapass se charge de le faire pour lui dans le cadre de son offre premium. Enfin, contrairement à l’offre freemium, la famille n’a rien à débourser pour accéder aux informations.
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Jean-Charles Chemin, fondateur de Legapass, est surpris par la vitesse du développement de son projet centré sur la transmission du capital numérique. Cela reflète l’intérêt que son projet suscite auprès d’un large public. Photo et Vidéo : (c) LaTDI.
Legapass : une offre en constante évolution
Jean-Charles conçoit Legapass comme un outil simple à utiliser. « Ma mère, qui pourtant n’est pas à l’aise avec le numérique, doit être en mesure de l’utiliser. Après la sécurité, la simplicité est notre deuxième objectif prioritaire ». Notre interlocuteur a bien conscience que le service qu’il propose concerne la plupart des Français. Par conséquent, il reçoit de très nombreuses manifestations d’intérêt. « Le public semble saisir d’emblée l’intérêt de notre démarche ».
Cependant, Jean-Charles est bien conscient que de nombreuses améliorations et services complémentaires peuvent être apportées. Jean-Charles travaille actuellement sur l’interface de recueil des informations. Il veut y insérer des suggestions qui permettront aux personnes de n’oublier aucun élément de leur patrimoine numérique. Il travaille également sur une offre VIP. Un chef d’entreprise, par exemple, accède à de nombreuses informations confidentielles de son vivant. S’il lui arrive quelque chose, il faut pouvoir débloquer ces informations. En effet, sa société doit pouvoir continuer de fonctionner !
Enfin, entreprises et particuliers sollicitent régulièrement Jean-Charles pour qu’il les aide à sécuriser leurs portefeuilles de cryptomonnaies. Il l’affirme sans détour : il a le savoir-faire et la technologie. Alors peut-être qu’il lancera dans un futur proche une offre à l’attention des entreprises, qui sait ?
Il ne vous reste plus qu’à commencer à cartographier votre patrimoine numérique…
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