Encore relativement méconnue, la production de vins autrichiens s’affirme pourtant sur les marchés internationaux. Dans les années 1970, les vins locaux souffrent encore d’une piètre réputation. Cependant, à partir des années 1980, les vignerons autrichiens, aidés par leur État, engagent une spectaculaire remontada ! La qualité de la production s’améliorant, les vins autrichiens sont désormais prisés sur le marché local aussi bien qu’à l’international. Coline Duret, spécialisée dans les exportations du domaine Weingut Wieninger (Vienne), revient pour nous sur les succès récemment remportés par la viticulture autrichienne, notamment dans la région viennoise qu’elle connaît le mieux.
Titulaire d’une licence LEA anglais / allemand, Coline Duret poursuit par un master trilingue en négociations commerciales internationales, option vins et spiritueux, « par curiosité ». Plusieurs stages l’amènent à travailler en Allemagne, dans le milieu du vin. Souhaitant continuer à pratiquer l’allemand, elle s’installe à Vienne où elle trouve un poste d’assistante export au sein du domaine Wieninger, en trois jours seulement !
Un vin destiné à la consommation intérieure ET aux exportations
Le domaine Wieninger se situe à 10 kilomètres de l’hypercentre de Vienne. Loin d’être anecdotique, ce vignoble s’étend sur 60 hectares. Il s’inscrit dans une tradition remontant au Moyen-Âge. « À Vienne, le vin demeure profondément ancré dans l’histoire et l’économie locales, encore aujourd’hui ». En 2020, le domaine viticole autrichien s’étend sur 43.800 hectares de vignes (contre 750.000 en France). La région de Vienne, à elle seule, compte 620 hectares de vignobles.
Pourtant, dans les années 1970, le vin autrichien n’a pas bonne réputation : il se cantonne au marché de la consommation locale, car la clientèle internationale le délaisse. « À présent, comme le remarque Coline, les choses ont bien changé : Weingut Wieninger exporte dans 65 pays. Nos premières exportations remontent à 1991 avec le Japon, suivi par les États-Unis en 1995 ». Il faut dire que, dès les années 1980, l’État et les associations professionnelles mettent en place un système d’appellations et de classifications beaucoup plus réglementées. Il en est ainsi du label distinguant les grands crus locaux « 1 ÖTW ». Sans compter les dénominations d’origine contrôlée (DAC) certifiant la qualité et l’origine des vins.
Retour sur l’histoire du domaine Weingut Wieninger
Concernant plus particulièrement Weingut Wieninger, Coline note qu’il s’agit de la quatrième génération de viticulteurs Wieninger. Le domaine n’a jamais été racheté, si bien que « nous sommes sur une histoire 100% familiale depuis 1921. Fritz, le chef de l’exploitation, a trois enfants qui tous se destinent à prendre sa suite ». C’est dans les années 80 que Fritz reprend le vignoble en le révolutionnant.
Depuis 2008, ses vins sont certifiés « Bio » ; en 2012, ils bénéficient du label « Biodynamie ». Cela reflète le souci marqué par Fritz pour la durabilité. Pour répondre au cahier des charges du label Biodynamie, la récolte s’effectue entièrement à la main, sur les 60 hectares de vignes que compte l’exploitation. « Nous limitons au maximum l’usage des machines. De même, notre chais est alimenté par l’énergie renouvelable fournie par des panneaux solaires. Enfin, l’ensemble des véhicules de la flotte du vignoble fonctionnent à l’électricité ». Contrairement à leurs collègues français, les viticulteurs viennois ont massivement adopté des méthodes de travail durables.
Vienne, ville verte
Coline poursuit : « Vienne est une ville extrêmement verte. Le choc est d’ailleurs grand quand on débarque ici pour la première fois. À 10 kilomètres du centre-ville, il n’est pas rare de trouver des arrondissements et autres quartiers de la capitale aux allures de petits villages. Chacun possède son clocher et son ambiance particulière, bien distincte du reste de la ville ».
À Vienne, il est normal et attendu qu’un vin soit « bio ». Quant à la certification « biodynamique », elle impose le respect d’obligations liées à un cahier des charges très strict. Certains vignerons poussent cette logique assez loin, en lui intégrant certains rituels « magiques » censés préserver la qualité du vin. Ils rythment ainsi leurs activités en fonction du calendrier lunaire. Certains enfouissent même dans leurs parcelles des cornes de bœuf, car ces dernières sont censées apporter des nutriments à la terre !
Le Wiener Gemischter Satz DAC, vin vedette chez Weingut Wieninger
À Vienne, le vin local est sans conteste le Wiener Gemischter Satz DAC, qui occupe les deux-tiers du vignoble de la capitale. Il s’agit d’un blanc dont le raisin provient d’une parcelle plantée de plusieurs cépages (riesling, chardonnay, pinot blanc, etc.). Comme l’explique Coline, « le raisin est récolé en même temps, quel que soit son degré de maturité. Autrement dit, l’assemblage se fait directement sur la parcelle, lors de la récolte. « Gemischt » fait d’ailleurs référence à ce mélange entre plusieurs cépages ».
Coline poursuit : « Nous sommes avant tout connus pour notre Gemischter Satz DAC ». La différence entre les cuvées se fait au niveau des Rieds, c’est-à-dire des différents terroirs dont est originaire le raisin. On distingue ainsi le Wiener Gemischter Satz DAC Ried Ulm, ou bien Ried Bisamberg, localités situées non loin de Vienne. Implantées chacune sur des rives opposées du Danube, elles se distinguent par leur microclimat particulier, en termes des vents qui les traversent ou de pluviométrie.
Un prix élevé, en raison des taxes et de coûts de production
La maison Wieninger produit 70% de blanc, contre 30% de rouge. Le Gemischter Satz DAC représente un peu moins de la moitié de l’ensemble de la production. « Ce vin assure la majeure partie de nos ventes, que ce soient aux niveaux national ou international. Certains de nos Gemischter Satz DAC se classent parmi les premières cuvées 1 ÖTW, ce qui traduit leur qualité exceptionnelle ».
Selon Coline Duret (Weingut Wieninger), la viticulture est un métier de passionnés, un secteur fascinant mais dans lequel on ne compte pas ses heures. Photo et vidéo : (c) LaTDI.
Les prix de vente sont variables. « Dans notre gamme classique de Wiener Gemischter Satz DAC élevé en cuve inox, à l’exclusion de toute maturation en fût, nos bouteilles se vendent à 13€. En ce qui concerne le Ried Ulm, grand cru, son prix atteint 28€ la bouteille ». En effet, le prix des vins autrichiens demeure élevé, à la grande surprise des visiteurs français. Cela s’explique par la taxation variant entre 13 et 20% en Autriche, sans compter les coûts de production plus élevés.
Weingut Wieninger : une politique commerciale dynamique !
L’Autriche s’est dotée en 1986 d’un organisme, la ÖWI (Österreischische Weinmarketing), chargée de promouvoir les vins locaux sur le marché international. Comme l’explique Coline, « nous déléguons à ÖWI le soin d’organiser des dégustations en notre nom à Stockholm, aux Pays-Bas, en Chine et dans tous les pays où nous sommes présents. La ÖWI s’occupe également de la livraison de nos vins aux importateurs ». La promotion des vins sur place se fait ainsi à raison de plusieurs évènements organisés chaque mois (jusqu’à une dizaine). Coline peut même suivre les dégustations en ligne, avant d’en recevoir un bilan complet de la ÖWI.
Depuis quelques années, Coline travaille également avec un groupe externe : Premium Estates of Austria, qui représente les plus grands domaines viticoles autrichiens. Il s’agit d’une entreprise privée, dont la clientèle se compose des viticulteurs dont elle défend l’image et les produits.
Le vin viennois, partie intégrante de l’art de vivre local
Comme évoqué précédemment, le Wiener Gemischter Satz DAC est emblématique de l’art de vivre viennois. Il s’agit d’un vin très floral. Il peut se déguster seul, bien frais, en été, sur une terrasse accueillante, par exemple. Ou alors, accompagné d’une Wiener Schnitzel, escalope de veau panée servie avec une tranche de citron et une salade de pommes de terre froide. Comme le rappelle Coline, « un vin s’accorde généralement au mieux avec les produits issus du terroir qui l’a vu naître ».
Plus généralement, le vin fait partie intégrante de l’image festive de Vienne. Les touristes sont ainsi friands de dégustations au domaine Wieninger, entre autres. Les personnes réservent, viennent visiter le domaine et le chais, avant de se livrer à une séance de dégustation.
À lire également : Heidi Horten Collection : Rendez-vous à Vienne avec l’art français.
Wiener Weinwandertag (randos dans les vignes) et repas festifs dans les Buschenschanks
En outre, de nombreux évènements célèbrent l’époque des vendanges en septembre. Ainsi, lors du « Wiener Weinwandertag » célébrant le Sturm, c’est-à-dire la première fermentation du vin, de très belles randonnées sont organisées sur l’ensemble des collines entourant Vienne. « Tous les vignerons ont leur stand où ils proposent leur Sturm à la vente. Les promeneurs peuvent ainsi s’arrêter de collines en collines. Cela dure toute la journée, des plats leur sont proposés et l’ambiance est très festive ».
Enfin, Vienne est aussi connue pour sa culture des Buschenschanks, autrement dit ses restaurants à ciel ouvert situés au milieu des vignes, ouverts d’avril à octobre. « Notre Buschenschank s’appelle Wieninger am Nussberg. Deux règles régissent cet établissement. Premièrement, nous y proposons les vins de l’exploitation uniquement. Deuxièmement, nous y servons de la nourriture froide locale (buffets froids, planches de charcuterie, salades de pommes de terre) ». Les Viennois ont ainsi l’habitude de se rendre dans ces Buschenschanks, notamment le week-end, pour y profiter de l’extraordinaire vue sur les étendues de vignes entourant la capitale…
Plus d’informations en cliquant ici.
Auteur :