Pachamama, ou comment l’entrepreneuriat aborde aussi certains problèmes sociaux. Avant, comment faisaient les femmes souhaitant continuer de donner le sein à leur bébé, même après avoir réintégré leur entreprise ? Elles s’enfermaient dans les toilettes pour tirer leur lait, faute de mieux ! Puis, Pachamama est arrivée en mars 2023, portée par une réglementation reconnaissant le droit des femmes à pouvoir allaiter tout en exerçant leur activité professionnelle. Grâce à Pachamama, entreprise créée par Gabrielle de Valmont et Camille Desclée, les femmes bénéficient enfin d’un espace à elles, au sein duquel elles peuvent tire allaiter en toute intimité.
Alors qu’elle est encore en école de gestion à Paris Dauphine, Gabrielle de Valmont fait la rencontre de Camille Desclée de Maredsous. Toutes deux sont à l’origine du concept Pachamama. Avant cela, il y a six ans, elles avaient déjà monté leur première société Nap&Up, autour des espaces de sieste en entreprise.
La sieste au travail : un sujet important
C’est durant l’adolescence que l’esprit d’entreprise vient à Gabrielle, alors qu’elle passe beaucoup de temps dans l’atelier de menuiserie de son père. « Nous pouvions tout faire : innover, tester de nouvelles choses, nous lancer dans un projet tout en ressentant l’excitation de la construction, de la fabrication ». Pour Gabrielle, l’innovation ne concerne pas seulement le secteur de la tech. Il est également possible d’innover autour de l’usage, du design et du management.
Concernant la sieste, elle tire son idée de sa culture familiale. « Chez nous, la sieste, c’est sacré. J’ai le souvenir de mes grands-parents faisant la sieste tous les jours. Si jamais l’un d’entre nous avait l’audace de les déranger pendant qu’ils dormaient, cela représentait un évènement très grave ! C’est sur cette base que nous avons eu l’idée, avec mon associée Camille, de lancer un camion à sieste, un peu à la façon d’un food truck, sillonnant les rues de Paris à la rescousse des salariés fatigués ».
Ce faisant, Gabrielle et Camille se rendent compte de l’enjeu que représente la sieste. Depuis l’artiste Dali, inventeur de la sieste flash, jusqu’à leur entourage leur faisant part de ses problèmes de sommeil. « Lorsque nous abordions le sujet, tout le monde avait son mot à dire. L’un nous disait qu’il ne parvenait pas à récupérer, ses enfants malades l’ayant tenu éveillé toute la nuit. Un autre souffrait d’insomnie, ce qui le rendait stressé et irritable pendant sa journée de travail. Un autre encore avait des horaires décalés, etc. C’est ainsi que nous avons réalisé que le sujet concernait finalement un grand nombre de personnes ».
Innovations d’usage, de design et de management
Concernant le sujet de l’allaitement, Gabrielle et Camille constatent l’absence de solutions pratiques pour les femmes qui veulent tire allaiter sur leur lieu de travail. Elles comprennent rapidement que le produit ne pourra garantir le succès de leur proposition, à lui tout seul. Elles mettent aussi en place un solide accompagnement. Car il s’agit de sensibiliser le public pour faire en sorte d’intégrer cette nouvelle pratique dans le quotidien managérial d’une entreprise.
Gabrielle explique : « Typiquement, nous proposons tout un programme d’accompagnement ad hoc pour les entreprises, centré sur deux choses. Premièrement, des ateliers très ludiques, grand public, ouverts aux hommes aussi bien qu’aux femmes, tous âges confondus, pour comprendre le sujet de l’allaitement. Des sages-femmes et autres consultantes en lactation viennent expliquer ce qui se passe dans le corps d’une femme à ce moment particulier de sa vie. Qu’il s’agisse d’une sœur, d’une collègue, d’une conjointe ou d’une amie. Deuxièmement, nous organisons des ateliers pour aller plus loin sur le thème de la parentalité et de l’accompagnement des néo-parents ».
Aujourd’hui, Gabrielle et Camille possèdent un portefeuille de clients extrêmement varié. « Concernant Nap&Up, notre premier client était une TPE dans une zone aéroportuaire de caristes. En outre, les trois-quarts des entreprises du CAC 40 font appel à nos services, tout comme les hôpitaux ou encore les universités ». Ce succès, Gabrielle l’explique par la simplicité des solutions qu’elle propose, appropriées à tout type d’entreprises ayant des salariés. « Dans notre rythme biologique, il est inscrit que nous sommes susceptibles de ressentir des moments de fatigue, et que cela est tout à fait naturel. Idem en ce qui concerne l’allaitement. De plus, nos solutions sont peu encombrantes. Aujourd’hui, nous les installons en Suisse, en Belgique, au Luxembourg, et jusqu’au Canada, avec nos partenaires locaux, ».
Vaincre les résistances avec Pachamama
Avec l’allaitement, Gabrielle reconnaît qu’elle s’attaque à un sujet éminemment culturel. Cependant, loin de tout prosélytisme pro-allaitement, elle considère que le choix d’allaiter (ou non) est la prérogative de chaque femme. Il convient donc de la respecter. Ainsi, certaines femmes font l’objet de remarques quand elles allaitent en public. « On leur demande de se montrer plus discrètes. D’autres reçoivent des reproches inverses. On leur dit qu’elles devraient se sentir à l’aise d’allaiter en public, car il s’agit d’une belle chose ».
Notre interlocutrice poursuit : « lorsque nous évoquons le sujet en entreprise, nous nous heurtons parfois à une réaction d’incompréhension ». Certains employeurs ne voient pas en quoi l’allaitement constitue un sujet. Ils ne réalisent pas que certaines femmes se cachent dans les toilettes pour tire allaiter. De la même façon, ils n’arrivent pas à croire que d’autres femmes arrêtent tout simplement d’allaiter en l’absence d’espacé dédié ou, plus généralement, de soutien de la part de l’employeur.
Respecter l’intimité des femmes
D’autres employeurs considèrent que le lieu de travail doit rester exempt de toute préoccupation liée à l’allaitement. Si les femmes veulent continuer d’allaiter leur bébé, il leur est toujours possible de prolonger leur congé maternité. Certaines conventions collectives donnent ainsi la possibilité de prolonger le congé maternité des femmes allaitantes. Ce qui représente une formidable avancée sociétale !
Cependant, Pachamama vise à inclure les femmes n’ayant pas envie de prolonger leur congé maternité, tout en continuant d’allaiter. « Le but consiste à laisser le choix aux femmes ». Ainsi, Pachama offre la possibilité de s’isoler visuellement. « Un peu à la façon d’une poussette dont on rabat la capote. À ce propos, certaines personnes, parmi lesquelles de nombreux hommes, considèrent que les femmes n’ont pas à se cacher pour allaiter ni pour tirer leur lait. Ils disent même que la canopée intégrée à notre système enferme les femmes. Nous leur répondons que cela relève du choix de ces dernières et qu’on se doit le leur laisser. De très nombreuses femmes ont besoin d’intimité pendant qu’elles tire allaitent. C’est la raison pour laquelle nous leur proposons de rabattre la canopée, si elles le souhaitent ».
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Le succès croissant de Pachamama
Malgré ces résistances, force est de constater qu’un nombre croissant d’entreprises installent des espaces d’allaitement. Il faut dire que la réglementation impose cette obligation à tout employeur ayant dans son effectif plus de cent femmes salariées. Certes, toutes les entreprises concernées sont encore loin de respecter cette obligation légale !
Afin d’accompagner les entreprises au plus près de leurs besoins, Gabrielle et Camille proposent une formule mixte. Leurs clients peuvent choisir d’installer des Pachamamas de façon permanente, en raison de leurs besoins récurrents. Sur un site avec un effectif de 50 à 100 femmes, les retours de congé maternité sont réguliers. « Le Pachamama est alors proposé à l’achat. Nous proposons en parallèle toute une offre de services visant à sensibiliser notre public, avec de petits packs de bienvenue que nous vendons de manière récurrente à nos clients ».
La deuxième formule Pachama est destinée à des entreprises ayant des besoins plus ponctuels. « Ces dernières n’ont pas besoin d’investir dans une salle d’allaitement. Car elles auront un besoin pouvant survenir tous les deux ans, par exemple. Nous proposons alors une formule de location courte durée. Dans ce cas de figure, l’entreprise fait appel à nous pour accueillir une femme à son retour de congé, pendant une période allant de deux à six mois ».
Un signal fort vis-à-vis de la parentalité
Le fait d’installer un espace d’allaitement constitue un signal fort de l’employeur soucieux de soutenir la parentalité dans son entreprise. Selon Gabrielle, « le fait d’installer un espace dédié, d’avoir un produit ludique, bien en vue, permet à l’employeur d’envoyer en interne un message montrant son soutien à la parentalité. Pachamama, quand il arrive dans une entreprise, peut représenter un signal fort susceptible de déclencher la décision de couples se demandant s’ils vont fonder une famille ».
Gabrielle de Valmont, à l’origine du concept Pachamama de tire allaitement sur le lieu de travail, constate avec surprise que la culture de la parentalité est finalement peu répandue parmi la population. Photo : (c) Pachamama. Vidéo : (c) LaTDI.
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