Marie Cresp a une passion dans la vie. Elle aime expliquer le droit à divers publics pas forcément à leur aise avec cet ensemble de règles nous permettant de vivre ensemble. En octobre dernier, elle sort un livre à l’attention du jeune public : Le Droit expliqué aux enfants. Drôle d’idée ? Pas tant que cela : à travers onze questions auxquelles elle répond par des exemples parlant aux enfants, elle fait œuvre de médiation scientifique en droit. Et contribue à renforcer la culture en droit de la population générale, dès l’âge de huit ans !
À 43 ans, mère de quatre enfants, Marie Cresp est d’un tempérament déterminé, passionné. Ce qui ne l’empêche pas d’aimer rêvasser aussi, de temps en temps. Elle aime également se lancer des défis ! Docteure en droit depuis 2010, elle est à présent maîtresse de conférences en droit privé à l’IUT Bordeaux-Montaigne. Elle intervient notamment au sein du département « carrières sociales » depuis 2011. Et elle initie de futurs professionnels de l’animation socioculturelle à certaines problématiques en droit.
En 2017, elle publie avec Marion Ho-Dac un livre sur le Droit de la famille, déjà remarqué pour son approche originale. Avec ce livre, les deux femmes remportent en 2018 le Prix du livre de la pratique juridique du Conseil constitutionnel. En octobre 2022, elle sort Le Droit expliqué aux enfants illustré par Clara Lang.
Le Droit expliqué aux enfants démystifie le droit
Selon Marie, tout le monde peut apprendre le droit, « que l’on soit grand, petit, juriste ou non-juriste ». Elle pense aussi que le droit n’est pas réservé à un petit groupe élitiste de sachants. Il n’est même pas réservé aux juristes… et tout le monde peut le comprendre.
Simplement, il est vrai que le droit est une matière complexe. Il utilise un certain vocabulaire spécifique pouvant paraître étrange. Si « le droit est un langage » que tout le monde peut parler, il est nécessaire de travailler un peu pour le maîtriser.
Le droit représente-t-il les règles d’un jeu de grandes personnes ?
Peut-on assimiler le droit à des règles contraignantes auxquelles les enfants devraient se soumettre ? « C’est un axe de réflexion auquel je réfléchis souvent. J’essaye ainsi de faire le lien entre le droit et l’éducation non-violente. L’idée de soumission à une règle contraignante est à mon avis juste, en partie du moins. Mais au-delà, le droit est aussi prévention, équilibre entre intérêts concurrents ou encore protection. Surtout, dans une société démocratique, il est le garant des libertés ». Le droit représente donc un cadre limitant aussi bien que libérateur.
Le Droit expliqué aux enfants se présente comme une introduction générale au droit, construit autour de onze questions. Chacune d’entre elles est traitée de façon double. Premièrement, l’autrice aborde chacune de ces questions d’un point de vue général, théorique, illustré de façon onirique. Il s’agit d’aider l’enfant à comprendre de façon intuitive, inconsciente presque, la problématique posée. Deuxièmement, elle double cette explication théorique par deux pages de BD faisant référence à la vie réelle des enfants.
Ce faisant, elle n’hésite pas à faire appel à son sens de l’humour. « Dans tous les cas, je me suis efforcée de faire référence à des situations très concrètes. L’exemple qui marche très bien pour les enfants est issu du droit de la famille. J’ai ainsi utilisé le choix du prénom. Également, je me suis amusée à écrire une BD sur la distinction entre bien meuble ou bien immeuble. Cela peut sembler très théorique. Cependant, avec l’illustratrice Clara Lang, nous l’avons tournée de façon amusante en jouant sur le mot ‘meuble’. Ce terme désigne, aux yeux d’un enfant, une table ou une chaise. Alors qu’en droit, un meuble désigne, certes, une chose que l’on peut déplacer. Mais cela peut être très gros ! »
Un bel objet grâce au talent de l’illustratrice Clara Lang
Pour adopter une expression à portée d’enfant, Marie fait des phrases courtes, avec des mots simples. « Je me suis aperçu en rédigeant les BD que j’avais tendance à utiliser un vocabulaire plus complexe. J’ai donc ajouté un lexique pour expliquer les mots les plus difficiles ».
En tant que support, Marie a voulu faire du Droit expliqué aux enfants un livre qu’on aime, qu’on trouve beau, qu’on ait envie de garder dans sa bibliothèque pour le consulter régulièrement. Pour cela, la contribution de l’illustratrice Clara Lang a été cruciale. « Elle a un très joli trait de dessin. Elle a également beaucoup soigné la texture et les couleurs de ses illustrations. Son travail permet de créer du liant entre les différentes questions. C’est Clara qui a suggéré d’avoir recours à une petite sorcière pour amuser nos petits lecteurs ».
Le droit expliqué aux enfants : un livre sérieux, loin d’être pompeux
Les deux femmes ont donc eu recours au jeu. En effet, le droit est invisible, sauf si l’on chausse ses petites lunettes de juriste. On ne sait pas s’il est gentil ou méchant. Le Droit expliqué aux enfants incite donc les petits lecteurs à aller chercher un monstre caché que l’on ne voit pas forcément à l’œil nu. Ce monstre apparaît clairement seulement si l’on chausse le petit “lawrgnon” qui accompagne chaque exemplaire du livre.
Marie explique qu’elle n’a pas voulu prendre les enfants pour des idiots. Pour autant, elle fait feu de tout bois et joue sur tous les registres possibles pour bien faire passer son message. De façon aussi agréable que possible, tout en restant pertinente.
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Et après ? Le Droit expliqué aux enfants (II) en cours de finition
Après ce premier essai transformé, Marie prépare la sortie du deuxième volume du Droit expliqué aux enfants, actuellement en cours de finition. Après avoir posé les bases, elle souhaite aller plus loin, en abordant cette fois la technique juridique. De quoi est composé le droit ? Comment est-il organisé ? Est-il contrôlé ? Voyage-t-on avec lui ? Qui l’étudie ?
En essayant de tourner certaines de ces problématiques de façon amusante, Marie évoque cette fois les batailles en droit. Au risque d’aborder une thématique plus technique, tout en l’adaptant au jeune public. Elle y parle aussi du droit européen ou du droit international. Existe-t-il un seul droit commun à tous les pays du monde ? Quelles sont les spécificités du droit européen ?
Comment valoriser un ouvrage à l’attention des enfants dans un contexte scientifique ?
Quand on ouvre Le Droit expliqué aux enfants, on se dit que Marie s’est bien amusée. « Effectivement, c’était passionnant. Même si je ne suis pas certaine que l’on se rende vraiment compte du temps et du travail nécessaires pour réaliser un tel ouvrage. Mais cela n’est pas grave. Quand je l’ai fait, au début, je pensais être un peu en dehors des clous de mon métier d’enseignante-chercheuse. Mais je l’ai fait quand même car j’y tenais absolument. Je me suis dit : ‘Tant pis pour la carrière !’ »
Ce n’est que depuis quelques mois qu’elle réalise qu’elle est complètement dans les clous de son métier. Son travail se rattache en effet à un volet de la recherche en plein développement depuis quelques années. « Je suis allée à un colloque de médiation scientifique organisé par un labo de sociologie : ‘C’est pas très académique !’. Cela m’a fait un bien fou ! Car je me suis rendu compte que je n’étais pas toute seule. Effectivement, ce n’est pas très académique sur la forme. Mais en réalité, c’est complètement scientifique sur le fond ! »
Le Droit expliqué aux enfants et la médiation scientifique en droit
Marie pense en effet qu’elle fait avancer la recherche et les connaissances en ayant recours à de nouveaux médias. La médiation scientifique en droit est en plein développement à l’heure actuelle. Certains évènements tels que La Nuit du droit, de même que les Journées de discussion avec des juristes et autres professionnels du droit allant dans les lycées, ou encore l’ouverture des lieux de justice, le montrent bien assez.
On parle à ce propos de « vulgarisation », qui n’est pas un terme que Marie utilise volontiers. Car il a une connotation négative et biaisée. En effet, il fait une distinction entre les choses vulgaires, d’une part, et les choses plus nobles, d’autre part. « Je préfère le terme de popularisation, qui sous-entend que la science s’offre au plus grand nombre. Car on peut être sérieux sans être pompeux. Il s’agit simplement de faire tomber certaines barrières psychologiques ».
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Dans son livre « Le Droit expliqué aux enfants », Marie Cresp utilise un exemple simple et à portée d’enfants pour expliquer à ces derniers la nécessité de se fonder sur une preuve avant de punir quelqu’un. Photo : (c) Juridikids. Vidéo : (c) LaTDI.
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