Le fait de vouloir distinguer l’artistique, d’une part, et le business, d’autre part, fait partie des lieux communs que l’on entend souvent ressasser. Pourtant, Gaël Seydoux s’inscrit en faux contre cette idée facile. Lui aime faire les deux, sans nécessairement privilégier l’un par rapport à l’autre. Ainsi, il apprécie la créativité, la curiosité d’esprit et l’insatiable recherche du beau associée à son côté artiste. Tout comme le côté « décidé », « drivé » et meneur d’hommes et de femmes lié à sa fibre entrepreneuriale. En cela Emova lui ressemble, car son dernier projet mêle représentation du réel et réponse à un besoin du marché.
« J’ai beaucoup acheté et lu de BD lorsque j’étais gamin. De plus, je dessinais tout le temps. Mais il a fallu aussi composer avec la pression familiale me poussant à faire quelque chose de ma vie. Après avoir passé une maîtrise d’économie, je me suis donc inscrit aux Arts-Déco pendant six ans, en me spécialisant en imagerie 3D.
« J’ai par la suite approfondi mes études commerciales à la Wharton School (une école de commerce située à Philadelphie parmi les meilleures du monde), puis à l’INSEAD de Fontainebleau. En parallèle, j’ai continué à exprimer ma sensibilité artistique par le dessin et la musique, tout en jouant du piano et du sax ».
La fibre artistique de Gaël Seydoux
« Au début des années 90, on commençait à voir certains effets 3D dans les films. À tel point que j’en suis venu à me demander si le medium 3D ne constituerait pas une évolution naturelle par rapport à ce que je faisais déjà. À savoir, beaucoup de dessins et de gravures. Je m’y suis alors plongé, et cela m’a énormément plu.
« À partir du dessin, j’ai ainsi progressivement basculé dans la réalité virtuelle, puis dans la 3D avec les films, jeux vidéo, etc. jusqu’à réaliser l’intégralité de ma carrière dans ce domaine. Dans le même temps, j’ai continué à dessiner et à graver. L’expression graphique, l’image, la composition et le cadrage ont toujours été des choses très importantes pour moi. Je pense que c’est ma façon d’appréhender le monde, de le regarder, de l’observer et d’essayer de le comprendre en le reproduisant. C’est une façon pour moi de saisir mon environnement ».
Une filiation familiale sensible
« Par ailleurs, mon héritage familial a sans doute joué sur mon côté entrepreneur. En effet, mon arrière-grand-père a fondé l’entreprise textile portant son nom, ‘Seydoux’. Il a connu un destin industriel exceptionnel, lié aux tissus et à leur beauté. Il importait des tissus d’Asie, dont un grand nombre de soieries. Puis il les transformait dans ses usines du Cateau-Cambrésis. Dès le 19e siècle, cette famille est donc animée par le souci de construire des machines, de les agencer, de réunir des hommes, et aussi de trouver de nouveaux procédés technologiques.
« Quant à mon arrière-grand-mère, elle était peintre aquarelliste. Il existe comme cela une filiation familiale sensible, dont j’ai hérité. »
Gaël Seydoux : visionnaire et pragmatique
« J’ai donc toujours navigué entre ces deux pôles : l’artistique, d’une part, et le business, d’autre part. Parfois, cela pouvait me donner un côté schizophrénique. Car j’avais envie de l’un ou de l’autre, ou des deux à la fois. Finalement, l’entrepreneuriat m’a permis de réunir l’un et l’autre. En effet, l’entrepreneuriat nécessite d’avoir une vision, un concept, une direction et un objectif. Tout cela doit bien sûr être soutenu par un bon business, car sans argent, on n’y arrive pas ! Il faut donc répondre à un besoin du marché.
« Dans le même temps, ma fibre artistique me donne une envie très forte de faire du beau, ainsi que des choses ayant du sens. L’expression artistique, pour moi, est comme l’expression d’une pensée plus philosophique, plus grande et, même, un peu métaphysique. En cela, mon père m’a beaucoup influencé . Il m’emmenait derrière le boulevard Saint-Germain, pour y acheter des gravures. Je devais avoir huit ou neuf ans, et il me montrait des gravures, des scènes, façonnant par là mon goût esthétique ».
Gaël Seydoux : un créatif en prise avec le réel
« Malgré cela, je n’aurais jamais pu vivre de façon isolée et solitaire, me contentant de simplement fabriquer ou créer. J’ai toujours voulu rester en prise avec le réel. D’où ce côté business revenant systématiquement dans mon parcours. Avec l’envie de partager ce que je fais avec les autres.
« Avant de fonder ma propre entreprise, j’ai beaucoup pratiqué l’intrapreneuriat, notamment chez Ubisoft. Yves Guillemot, mon patron de l’époque, me laissait une liberté incroyable. Du coup, je venais avec une idée et la lui soumettais. Puis il me faisait retravailler ma copie. Le lendemain, je revenais avec un business plan amélioré et ainsi de suite, jusqu’à le convaincre complètement.
« Durant toutes ces années, j’ai appris à marcher sur mes deux jambes, artistique et commerciale. En croyant à mon projet, je trouvais toujours les arguments pour le présenter aux autres. Cet esprit d’entreprise bouillonnait en moi alors que je n’étais encore que salarié au sein d’une société. Cela m’a construit et formé. Je retire de toutes ces expériences combinant business et artistique une propension à faire, construire, être force de proposition, avec une notion de sens et de recherche de la beauté en plus. Ce dernier aspect est capital pour moi ».
À lire également : Emova : créer son avatar virtuel pour essayer ses articles préférés.
Emova et l’entertainment
« Parmi les sources d’inspiration du projet Emova, il y en a une qui m’a marqué. Je l’ai vécue à la Game Developers Conference (GDC) de San Francisco. Il s’agissait d’une expérience haptique (faisant appel au sens du toucher) de nature abyssale. J’avais revêtu une combinaison haptique. Je suis entré dans une pièce avec un Oculus sur les yeux. Dans la pièce, des mygales bougeaient sur le sol, en 3D. Après quelques instants, j’ai pu sentir qu’elles commençaient à remonter le long de mes jambes. Elles m’envahissaient tout le corps. C’était d’autant plus terrorisant que je pouvais ressentir chacune de leurs petites pattes au travers de la combinaison !
« Puis j’ai noté la présence d’une torche allumée un peu en retrait, toujours en 3D. Je l’ai prise et, par réflexe, j’ai commencé à me la passer sur tout le corps. Cela a fait fuir les mygales. Je pouvais ressentir la sensation de chaleur de la torche sur mon corps. Cette expérience m’a profondément marqué. Je me suis dit que nous pourrions transférer de telles technologies issues de l’entertainment. Cela permettrait d’essayer des produits en en situation d’immersion complète, tout en reproduisant l’expérience vécue en boutique. Toutes ces inspirations m’ont finalement aidé à créer Emova. »
Profil de Gaël Seydoux
Fondateur et dirigeant de la société Emova, Gaël Seydoux est titulaire d’une Maîtrise en sciences économiques de l’Université Paris 1. Il est également diplômé en Design graphique auprès de l’Ecole nationale supérieure des Arts-Décoratifs de Paris. Il travaille pendant une dizaine d’années dans le cinéma et la publicité, notamment en tant que superviseur graphique 3D sur les effets visuels de plusieurs films. À son actif : Batman Begins, Aliens VS Predator ou encore Harry Potter. Il rejoint par la suite l’industrie du jeu vidéo, en travaillant chez Sony puis Ubisoft. Au sein de cette dernière, il monte un département spécialisé dans l’adaptation de technologies propres aux jeux vidéo à d’autres secteurs. C’est donc tout naturellement qu’il crée Emova en 2022.
Plus d’informations en cliquant ici.
Emova (Gaël Seydoux) : il y a deux siècles, la première fois qu’un photographe crée une image, cela déclenche la surprise, l’étonnement ou même la gêne. Avec son avatar réaliste, Emova met en place une expérience tout aussi révolutionnaire. Photo : (c) Emova. Vidéo : (c) LaTDI
Auteur :