Figure emblématique de la photo contemporaine, Fred Goudon s’est fait connaître grâce à ses nus masculins, pour les Dieux du Stade notamment. Et de fait, cet artiste sait mettre en valeur comme personne la beauté et la sensualité du corps des hommes. Pour La Tribune de l’Initiative, il revient sur ses sources d’inspiration, la relation à ses modèles et sa vision d’artiste… toute personnelle !
Écrit en collaboration avec A. L.
La passion avant tout. Depuis son enfance, Fred Goudon s’intéresse à l’art, accordant une attention particulière à la photographie. Mais ses débuts n’ont pas toujours été faciles. « Mes parents étaient commerçants d’articles de maroquinerie, se rappelle-t-il. J’ai travaillé avec eux pendant des années et en échange, ils m’ont permis de devenir artiste, sans jamais me cacher le fait qu’il faudrait que je fasse mes preuves, le moment venu ». Sa mère, sa sœur et ses meilleures amies sont des séductrices au caractère affirmé. « Ma relation avec ces femmes et le soutien qu’elles m’apportent me permettent d’aller de l’avant ».
Un regard assumé sur l’homme viril et sexy
Si les femmes de sa vie l’ont guidé et inspiré, ce sont les hommes que Fred Goudon a choisi de photographier. Il partage avec elles un regard assumé sur « l’homme viril, naturel et sexy ». Son travail rejoint ainsi un certain regard féminin sur l’homme. Et quand la marque Carrefour inclut dans ses catalogues de Noël les calendriers illustrés du photographe, il est facile de s’apercevoir que la plupart des acheteurs sont en fait des acheteuses. « Les collègues de bureau se les offrent entre elles. C’est un objet qui reste au sein de l’entreprise, parfois accroché aux murs des vestiaires féminins, poursuit-il. Le calendrier devient un objet un peu rigolo, sympa et esthétique ».
Son travail avec de grandes enseignes a permis à Fred Goudon de toucher un large public. « Les tirages de mes photos sont assez chers mais à l’inverse, tout le monde peut acheter un de mes calendriers à 19,95 €, explique le photographe. Les gens les achètent pour un tas de raisons différentes. C’est bien la preuve que mon art touche non seulement les esthètes, mais le grand public également ».
Fred Goudon : en quête de perfection
Quant aux modèles de Fred Goudon, véritables protagonistes de son art,« ils se retrouvent à 100% dans mes photos, en plus perfectionnés bien sûr », plaisante le photographe. Pour lui, certaines imperfections du visage ou du corps peuvent représenter un obstacle l’empêchant d’atteindre la perfection qu’il recherche. Il optimise par conséquent le rendu à l’image.
« Pas plus tard que cet après-midi, j’ai fait une sélection de photos avec un modèle qui est un très bon ami. Je l’ai shooté cet été. Sa peau présentait quelques imperfections, alors je les lui ai enlevées. Les photos sont splendides, c’est un très beau mec avec des expressions magnifiques. Je ne voyais donc aucune raison de lui laisser ces quelques rougeurs ou boutons. » Cette quête de la perfection a fait sa renommée en tant que photographe.
À la recherche du « plus beau de la classe »
Cependant, cette recherche constante de la perfection est susceptible de lui porter préjudice. « Il faut faire attention à ne pas tomber dans le piège de ce que j’appelle « le plus beau de la classe », explique-t-il. Si on se retrouve dans un lieu avec d’autres personnes, quelqu’un va forcément ressortir de cette assemblée. Cela ne veut pas dire que c’est une très belle personne dans l’absolu. Simplement qu’il est le plus beau à ce moment précis ».
Pour Fred Goudon, cette attirance pour la perfection et la séduction peut recouvrir un piège. « Cela crée parfois des problèmes. Quand je sors un calendrier ou quand je fais une exposition, je mets en avant une photo ou un modèle qui me touche davantage. Je devrais être impartial mais je n’y arrive absolument pas ! »
Un shooting avec Fred Goudon
Lorsqu’il prend des clichés de groupe, Fred Goudon reste pourtant parfaitement maître de ses émotions. Le jour J, les pompiers de Fred se présentent sur le lieu désigné pour le shooting. « Avant de commencer, je leur fais un petit café car j’ai apporté une thermos avec des croissants. Puis je leur demande d’éteindre leurs téléphones. À mes yeux, ces différentes entités ne se connaissant pas sont destinées à devenir un tout. C’est l’avantage de photographier des pompiers. Ils ont un esprit de cohésion extraordinaire ! À tel point que ces individus finissent par ne plus former qu’un seul corps ».
Durant le shooting qui s’ensuit, on a l’impression d’être en présence des meilleurs amis du monde, note le photographe. « Nous passons une journée ensemble absolument géniale. Bien entendu, j’essaie de leur prendre le moins de temps possible. Je leur demande de me réserver leur journée jusqu’à 18 heures. Dans les faits, à 15 heures, l’affaire est généralement pliée ! »
La raison en est que Fred prend les choses en main. Il a préalablement procédé aux repérages. Il sait donc où il veut mener ses hommes. « Je connais la lumière que je recherche et la façon de la capter ». Le photographe demande et obtient l’écoute de ses modèles, en se montrant ferme et rigoureux lorsqu’il le faut. « Ils doivent garder leur concentration car nous sommes là pour repartir avec les meilleurs photos possible ! »
Dans la lignée de Leni Riefenstahl et Herbert List
Résultat : le travail du photographe touche le cœur du public. Sa puissance émotionnelle est sans doute liée au fait qu’il refuse toute conceptualisation excessive. « Je n’ai pas envie d’imposer mes vues. Au contraire, je veux que la personne regardant l’image puisse se l’approprier, créer et imaginer sa propre histoire ».
Si Fred Goudon s’inscrit en faux contre toute intellectualisation de son travail, ses partis pris esthétiques sont pourtant très affirmés. Emploi du noir et blanc, rigueur des compositions, contrastes exacerbés valorisant les muscles et les courbes… Son style n’est pas sans rappeler celui de Leni Riefenstahl ou d’Herbert List. « À l’origine, je me suis inspiré de photographes qui étaient eux-mêmes déjà inspirés par ces artistes : Bruce Weber et Herb Ritts. Leurs photos fashion s’étalaient sur tous les magazines que je lisais avidement durant mes années de formation : Photo et Vogue ».
Cependant, ce parallèle est à double tranchant. Certes, Herbert List était un opposant déclaré des nazis. Cependant, Leni Riefenstahl est connue pour avoir filmé les cérémonies aryennes du parti nazi à Nuremberg. Elle a donc mis son art, extraordinaire par ailleurs, au service des vues politiques de Hitler.
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Making of des ‘Temps Modernes’, par Fred Goudon. Modèle : Andi.
Fred Goudon et la diversité
A contrario, Fred Goudon se réclame de la diversité. Si ses modèles sont majoritairement caucasiens, la raison en est qu’il provient « d’une époque où les agences de mannequins n’avaient dans leur portfolio qu’un ou deux modèles Noirs seulement, se rappelle le photographe. Je souhaite introduire davantage de diversité dans mon travail. Dans mon esprit, mes photos accompagnent l’évolution de la société française, toujours plus métissée ».
Pour accompagner les évolutions sociales, il s’attaque à de nouveaux supports. D’abord les couvertures de bouquins pour des romancières américaines, ensuite les expositions, aussi bien au Cannet qu’au Musée des Arts Décoratifs, à Paris. Sa dernière idée s’éloigne un tantinet de la photo, puisqu’il aborde désormais le domaine de l’écriture ! À suivre, donc…
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Fred Goudon, photographe du calendrier des Dieux du Stade, est l’auteur prolifique d’une quarantaine de calendriers montrant des hommes dans toute leur splendeur. Parmi les corporations ayant accepté de travailler avec lui, nous comptons des sportifs professionnels (rugbymen, handballeurs), mais aussi des pompiers français, et désormais… allemands aussi. Photo et vidéo : (c) LaTDI.
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