Ne plus laisser partir les savoir-faire français aux quatre vents. Maintenir les activités au sein de leur territoire, en regardant par-delà le seul critère de coût. Et en suivant une patiente stratégie de long terme. Le projet de Tom Elalouf, fondateur et dirigeant de l’entreprise Le Cadre en 2022 à Pantin (93) répond à ces préoccupations. Pour le mener à bien, il s’appuie non plus tant sur la production en grande série que sur le sur-mesure à l’attention des galeries, musées et autres collectionneurs. En ayant bien compris les spécificités de ce marché exigeant.
Pour accompagner son projet industriel, Tom Elalouf s’appuie sur les outils et les connaissances accumulés au sein de l’entreprise familiale. En effet, « nous accompagnons le milieu de l’art depuis la transition que nous avons entamée depuis les années 2000, depuis la production de masse à la production ajustée en fonction des besoins du client. Cela fait donc plus de vingt ans que certains artistes, galeristes, collectionneurs et autres conservateurs de musées viennent nous voir ».
Bien entendu, Tom ne dédaigne pas pour autant les commandes de volume. Mais son débouché naturel n’est plus constitué par les centrales d’achat des grandes chaînes d’hypermarchés comme dans les années 1980. Aujourd’hui, les architectes d’intérieur l’aiguillent vers une clientèle de restaurants, d’hôtels ou même parfois de particuliers. Sans compter les commandes de plusieurs milliers de cadres de la part d’imprimeurs sortant des affiches en grande série. Qu’il leur faut encadrer dans la foulée.
Paris, capitale artistique
Pour cela, la localisation de l’entreprise à Paris (Pantin, plus exactement) s’est révélée absolument stratégique. Au-delà de son dynamisme économique, notre capitale demeure encore aujourd’hui un foyer mondial de la production artistique. « Par exemple, la Semaine de l’art vient tout juste de s’achever le 25 octobre dernier. Cela nous a permis de travailler avec de nombreuses galeries. En effet, elles sont à la recherche du vaste choix que nous leur proposons. Par ailleurs, elles sont satisfaites de notre disponibilité, de nos conseils et du fait que nous honorons toujours nos délais de livraisons ».
Tom travaille également avec l’industrie du cinéma, plus particulièrement avec les équipes réalisant les décors. « Dans ce secteur, nous disposons d’un point fort, à savoir notre choix inégalé. Si vous voulez reconstituer une scène dans une brasserie des années 80, il faut considérer la décoration murale. Pour les cadres, vous cherchez par conséquent une baguette d’époque. Or, c’est chez nous que nous parviendrez à trouver cet article ! »
Le Cadre : un choix imbattable !
Cela a notamment été le cas d’un film documentaire Netflix intitulé Vjeran Tomic : L’homme-araignée de Paris, sorti en octobre dernier. Ce film relate le vol en 2010 au Musée d’art moderne de la ville de Paris de cinq œuvres majeures (Fernand Léger, Picasso, Braque, Matisse et Modigliani). Il a fallu les reconstituer pour le film, avec leur encadrement d’origine. « Nous avions les références d’archive. Nous avons dû retravailler les baguettes que nous avions en stock pour qu’elles se rapprochent le plus possible des baguettes originales. Cela a nécessité que nous les teignions, sculptions, etc. C’est ainsi que nous sommes parvenus à reproduire la forme des cadres, malgré leur complexité ».
Tom s’enorgueillit de posséder un stock infini de baguettes, héritage de toutes ces années de production à grande échelle. « L’entreprise existant depuis 70 ans, nous avons pris soin d’archiver les baguettes que nous avions commandé en excès. Tout se trouve encore dans nos locaux. Si bien que nous conservons des références de baguettes qui, aujourd’hui, sont épuisées ou introuvables ». De plus, le mode étant cyclique, certaines baguettes correspondant au style actuel proviennent en réalité de stocks constitués il y a de cela vingt ou trente ans.
La sensibilité artistique de Tom Elalouf
Depuis qu’il a repris l’entreprise familiale, Tom a conclu plusieurs partenariats avec des artistes. « Par le passé déjà, nous vendions un grand nombre d’huiles sur toile qui étaient en fait des copies peintes à la main de tableaux célèbres. Cela a tellement bien fonctionné qu’on les retrouvait dans tous les lobbies d’hôtels. J’ai voulu raviver cette veine d’inspiration en proposant à certains artistes d’interagir avec des toiles ‘originales’, tout en apportant leur touche. J’ai ainsi proposé à Anasse Drif, un très jeune artiste, de prendre part à cette initiative en y apportant son univers. Il a ainsi retravaillé une nature morte au posca. J’aime la façon dont sa contribution se fond subtilement dans l’œuvre de départ ».
Il est vrai qu’aujourd’hui, la mode privilégie les associations inattendues. C’est ainsi que les cadres moulurés et dorés viennent parfois complimenter des œuvres de street art. Naturellement, les goûts de Tom le poussent à apprécier l’abstraction européenne du début du 20e siècle. Ou bien au contraire les tableaux faisant la démonstration d’une maîtrise très poussée de la lumière et des couleurs (Nicolas Poussin). Cependant, il peut se laisser séduire par des œuvres inattendues.
D’Atsoupé à Pierre & Gilles, en passant par Anasse Drif
C’est le cas concernant l’artiste Atsoupé, par exemple, qui travaille avec du volume, des matières, de la couture, des textiles et des fibres. Elle va même jusqu’à utiliser de la peau de serpent dans son travail ! « Cela me parle. Ainsi, travailler avec de tels artistes, sentir les matières et le mouvement, nous expose au charme émanant de ces œuvres ».
Parmi les autres artistes avec lesquels Tom travaille régulièrement, on peut encore citer Pierre & Gilles. « Ils n’habitent d’ailleurs pas très loin et viennent s’approvisionner régulièrement chez nous ». Pour eux, le cadre fait partie intégrante des œuvres. « Quand on choisit un encadrement avec eux, nous savons qu’ils vont le retravailler de manière approfondie. Ils ont une idée du résultat qu’ils souhaitent obtenir. Nous réalisons par conséquent un travail de composition de profilés pour leur permettre de retravailler le cadre par la suite, en le peignant et en l’agrémentant de strass, de paillettes ou de gommettes, à leur convenance ».
Le Cadre : un service d’encadrement minute ?
Quand il ne travaille pas avec les artistes directement, Tom est en étroite relation avec les galeristes. Quand ces dernières font des accrochages à la veille d’un vernissage, il y a parfois de la casse… « Dans ce cas, il faut leur fournir des solutions de remplacement sur le champ ! »
De la même façon, dans le secteur de la production cinématographique (décors de film), ce sont toujours des besoins d’extrême urgence auxquels Tom doit faire face. « Au dernier moment, on se rend compte que la dimension du cadre prévu à l’origine n’est pas la bonne, qu’il y a besoin d’un ou deux cadres supplémentaires. Ou bien alors le réalisateur a changé d’avis à la dernière minute. Les personnes nous passent alors commande le matin pour une dizaine de cadres grand format. Elles précisent alors qu’il leur faut tel type de moulure, le tout pour l’après-midi même ! »
À terme, Tom souhaiterait proposer un service d’encadrement à la minute, y compris pour les particuliers. Le client arriverait avec son œuvre sous le bras et repartirait quelques instant après avec son cadre. Cela permettrait de libérer beaucoup de temps pour les clients qui n’auraient pas à s’organiser pour aller déposer leur œuvre. Ou bien encore pour venir la rechercher avec le risque qu’elle ne soit pas encore prête, etc. Cela demande encore un effort d’organisation de la part de Tom, mais il compte bien y parvenir prochainement.
Tous les encadrements, même les plus difficiles
Le Cadre prend également en charge les œuvres « en volume », comme les sculptures murales de David Gerstein représentant des vélos. « Il a une série de paper cuts ou collages de papiers, destinés à l’encadrement et à la collection. Nous n’avons plus affaire à une simple surface, mais bien à un volume, ce qui nous amène à le mettre en boîte ».
Tom a également travaillé pour une artiste dont l’œuvre d’art figurait une rose dont la tige traversait un support en papier mâché, dépassant de ce dernier de 30 cm sur l’avant et aussi sur l’arrière. « Nous avons alors fait de la couture pour suspendre le support à l’intérieur du cadre, tout en mettant l’œuvre sous boîte plexi. Cela a nécessité un gros travail de menuiserie d’art (découpe, assemblage, cirage, etc.). Nous avons finalement obtenu un coffret pour une pièce unique ».
L’encadrement devient alors lui-même une œuvre d’art. À ce propos, cela fait penser à certains cadres anciens signés par les encadreurs.
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Le Cadre : prendre parti du tissu industriel du 93
Si Tom n’a pas beaucoup de liens institutionnels avec les collectivités, il entretient en revanche des liens étroits avec de nombreuses entreprises du 93 : restaurateurs d’art, doreurs et autres artisans ayant des connaissances et un savoir-faire très précis. « On essaye également de travailler avec les artistes et studios de cinéma, se trouvant à proximité ».
Enfin, Tom noue des liens avec des startups ‘ArtTech’. En effet, nombre d’entreprises se créent autour de l’achat et de la revente d’œuvres d’art. « Nous essayons, avec quelques-unes de ces plateformes françaises, d’intégrer l’encadrement dans la chaîne des services qu’elles proposent aux collectionneurs. En leur faisant prendre conscience qu’un bel encadrement valorise une œuvre, du point de vue de son esthétique comme de sa conservation ».
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Quand Tom Elalouf s’aperçoit à sa plus grande surprise que l’encadrement qu’on lui a demandé de réaliser concerne une oeuvre de musée ! Photo et vidéo : (c) La TDI.
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