Le 1er avril dernier, Jeanne BOUGRO et Lisa MICHAUD proclament les résultats du concours d’écriture en langue anglaise qu’elles ont lancé dans le cadre de la licence de langues qu’elles préparent à l’Université de Franche-Comté (Besançon). En incitant les participants à s’exprimer dans la langue de Shakespeare, elles ont souhaité stimuler leur créativité tout en favorisant les échanges culturels. Pour La Tribune de l’Initiative, elles reviennent sur leur palmarès.
Écrit en collaboration avec Karlem.
Jeanne BOUGRO, 21 ans, vient tout juste de terminer sa licence de Langues, Littératures et Civilisations Étrangères et Régionales à l’université de Franche-Comté (Besançon). Auparavant, elle avait suivi une classe préparatoire littéraire. Il lui reste à obtenir un master FLE (Français Langue Étrangère) avant de pouvoir devenir enseignante de français en pays anglophone. Malgré le sérieux de son parcours estudiantin, Jeanne BOUGRO se définit par son humour. « J’aime bien faire rire, rire moi-même et passer du bon temps ». Lisa MICHAUD a suivi le même parcours académique. Cependant, contrairement à son amie Jeanne, elle souhaite se diriger vers les métiers de la création littéraire. Du point de vue personnel, l’empathie et l’écoute des autres constituent ses deux points forts.
Création littéraire : l’Intelligence Artificielle aura-t-elle raison de l’humain ?
Si les deux jeunes femmes observent les évolutions du monde avec curiosité et émerveillement, elles n’en éprouvent pas moins une certaine appréhension. Car l’Intelligence Artificielle (IA) inquiète écrivains et journalistes. Jeanne BOUGRO et Lisa MICHAUD craignent ainsi qu’elle ne dévalue les métiers littéraires et ne réduise l’intérêt pour l’apprentissage des langues et la découverte de l’autre.
Car, selon elles, « l’ordi manque d’humanité ». En ayant recours à de tels outils sans discernement, on perd toutes les petites idées venant au traducteur quand il fait son travail « manuellement ». Car la machine va d’une langue à l’autre en empruntant le chemin le plus direct, sans prendre garde aux nuances. L’être humain, lui, se penche sur son texte. Il le sent, tente de l’intérioriser et réfléchit aux expressions les mieux adaptées. Tout cela échappe complètement à l’IA.
Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir la façon dont se déroulent les cours de traduction. En effet, on est loin du cours magistral délivré par un professeur donnant son interprétation unique. Au contraire, de nombreux échanges s’y déroulent, donnant l’occasion à chacun de partager sa vision. Si bien que la réponse finale n’émerge qu’à la suite de ces nombreux allers-retours. La pensée humaine passe ainsi par un cheminement complexe. Tandis que l’IA passe à côté du flux et du reflux de la pensée, seule à même de donner au texte sa finesse et sa saveur spécifiques.
Des écrivaines attirées par l’intime
Pour Lisa MICHAUD, l’écriture constitue un héritage familial, un moyen d’expression privilégié depuis l’enfance. Il constitue son refuge. « J’étais une enfant assez timide et réservée. L’écriture a toujours représenté mon échappatoire ». Quant à Jeanne BOUGRO, elle découvre sa passion pour la littérature indépendamment de son environnement familial. Elle devient une lectrice assidue et se constitue sa petite bibliothèque, dont elle n’est pas peu fière ! Par ailleurs, elle continue d’écrire, davantage pour son plaisir personnel.
Chacune à sa façon, les deux femmes pratiquent l’écriture de l’intime. Lisa MICHAUD s’inspire de la démarche d’Annie Ernaux, qui aborde des sujets tabous tels que l’avortement, avec une grande finesse. Quant à Jeanne BOUGRO, elle tient un journal intime, cherchant à immortaliser les expériences du quotidien. En quelque sorte, elle écrit à la personne qu’elle deviendra plus tard !
Un concours d’écriture en langue anglaise : une idée farfelue ?
Dans le cadre de la licence suivie par Lisa et Jeanne, le professeur demande aux étudiants de créer un projet de groupe entre personnes partageant des intérêts communs. Amies de longue date, adeptes d’écriture et de lecture, les deux femmes décident de travailler ensemble. L’idée du concours leur vient assez naturellement. « Bien qu’il s’inscrive dans un cadre académique, nous ne nous attendions pas à l’ampleur qu’il a prise ». Elles reçoivent ainsi une quinzaine de participations, leur permettant de désigner trois gagnants !
Pour faire parler de leur initiative, elles se font aider par Adeline Cointe (Haut comme 3 comm). « Adeline nous a mises en relation avec plusieurs médias, ce qui nous a permis de créer une conversation publique à propos de ce concours ».
Dans le même temps, les deux femmes fixent rapidement les règles du jeu. Les contributions pourront prendre la forme d’une utopie ou au contraire d’une dystopie sur le féminisme, le changement climatique ou encore le temps qui passe. À la surprise générale, ce dernier thème suscite le plus grand nombre de contributions. Lisa et Jeanne reçoivent à peu près autant de poèmes que de nouvelles. La majorité des participants sont des femmes, à l’exception de deux hommes. Leurs profils sont divers, allant d’étudiants d’une vingtaine d’années et des « seniors » approchant la soixantaine. Localisés en France pour la plupart, certains participants proviennent cependant de l’étranger (Burundi).
Des critères d’évaluation inclusifs
Lisa et Jeanne se veulent inclusives dans leur grille d’évaluation. Car elles désirent encourager l’expression créative sans pour autant freiner les personnes maîtrisant imparfaitement la langue de Shakespeare. Elles privilégient la cohérence, l’originalité, l’impact émotionnel, de même que l’aspect ‘plaisir’ de l’exercice. « Nous voulions donner au plus grand nombre l’opportunité de s’exprimer en anglais d’une autre manière, en allant au-delà du seul anglais professionnel aux formules un peu passe-partout ».
Finalement, Lisa et Jeanne se sont montrées particulièrement réceptives à la forme littéraire de la nouvelle. La grande gagnante du concours, Ada Laureen NIGANZE, a produit un texte d’une grande originalité. « Toutes les deux, nous aimons les histoires qui, comme la sienne, se concluent par une chute. Cela laisse le lecteur bouche bée face à un événement qu’il n’a pas anticipé ». De plus, Ada Laureen NIGANZE entremêle finement dans sa nouvelle les trois thèmes du féminisme, du changement climatique et du temps qui passe. Ce qui représente en soi un tour de force !
Quant aux deux autres gagnants du concours, Annabelle TRÉMEAU et Jean-Paul BRUNET, leur niveau de langue ainsi que la fluidité de leur expression ont favorablement impressionné le jury.
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Une campagne de communication et des prix imaginatifs pour récompenser les trois lauréats
Dans le cadre de leur projet, Lisa et Jeanne avaient la possibilité de demander des fonds à leur professeur et à la faculté. Cela leur a permis de financer la composition et l’impression des affiches annonçant leur concours. « Pour réunir le budget consacré à l’achat des prix, nous nous sommes débrouillées ».
Jeanne a envoyé un mail à Kube, un site de box littéraires pour leur demander s’il ne leur serait pas possible de relayer les informations du concours sur leur site. Las ! Les représentants de Kube ont répondu par la négative. En revanche, ils ont proposé d’offrir gracieusement une box à l’un des gagnants du concours. En outre, le Centre de Linguistique Appliquée de l’Université de Franche-Comté a offert deux entrées pour le ‘Tour du monde en 80 plats’, événement gastronomique organisé au Kursaal de Besançon.
Quant au troisième prix, les deux femmes le doivent à leur attachée de presse. « En effet, Adeline Cointe nous a mises en contact avec l’autrice Élise Giraudau. Car cette dernière anime un podcast littéraire dans lequel elle prodigue des conseils d’écriture. Elle s’est engagée à nous consacrer un épisode, auquel notre gagnante Ada Laureen NIGANZE pourra participer pour évoquer son parcours ».
Palmarès du concours d’écriture en langue anglaise 2024 organisé par Lisa MICHAUD et Jeanne BOUGRO : Utopia Dystopia Writing Contest
- GAGNANTE : Ada Laureen NIGANZE, The Symphony of Freedom
- 2ème place : Annabelle TRÉMEAU, Spring, will you stay or will you leave?
- 3ème place : Jean-Paul BRUNET, Teleportation
Retrouver ces œuvres en cliquant ici.
Lisa MICHAUD et Jeanne BOUGRO nous racontent comment l’idée d’organiser un concours d’écriture en langue anglaise (Utopia Dystopia Writing Contest) a émergé. Elles reviennent sur la façon dont elles ont choisi leur grande gagnante, NIGANZE Ada Laureen, pour sa nouvelle ‘The symphony of Freedom’. Photos : (c) Utopia Dystopia Writing Contest. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Reliance of Dawn – DEX 1200.
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