Le 24 juin prochain, le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT sera à la Mairie de Paris Centre (3e arrondissement) pour participer à la table ronde « Comprendre le spectre de l’autisme ». Organisée par l’association Prolific, cette table ronde fait partie de la série d’évènements de dissémination scientifique auxquels le Dr. Clara NAHMIAS, fondatrice, nous a désormais habitués. En guise de teaser, nous avons rencontré le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT pour qu’elle nous parle de sa méthode pour améliorer non seulement la compréhension du TSA, mais aussi la prise en charge des personnes autistes.
Écrit en collaboration avec Karlem.
Le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT commence son internat en psychiatrie dans un hôpital psychiatrique en Normandie. Là, elle est frappée par le peu de connaissances médicales encore disponibles dans ce domaine. « J’avais vraiment l’impression que mes patients étaient les oubliés de la médecine ! »
En psychiatrie, les connaissances sont alors complètement insuffisantes concernant les troubles et la manière de les diagnostiquer, sans parler de la prise en charge des patients. « C’est cela qui m’a motivée pour entamer mes travaux de recherche. Je me disais qu’il n’était pas possible de laisser toutes ces personnes ainsi sans rien ! » Ayant d’abord travaillé sur la schizophrénie, le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT s’oriente vers l’étude du Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA). Pour cela, elle intègre le service du Professeur Catherine Barthélémy à Tours, dont l’approche de la psychiatrie rejoint la sienne.
Prévalence et origine du Trouble du Spectre de l’Autisme
Selon le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT, la prévalence du TSA est de 1% parmi la population générale, dont deux tiers d’adultes, « ce qui est une proportion énorme ! » Les facteurs génétiques jouent un rôle important, avec une héritabilité entrant en ligne de compte dans 50 à 80% des cas. Cependant, héritabilité n’est pas hérédité.
Les facteurs génétiques créent une vulnérabilité, certes. Mais ils ne suffisent pas pour expliquer l’émergence du trouble. Les facteurs environnementaux interviennent également. Ainsi, l’autisme est considéré comme un trouble à déterminisme complexe. Par conséquent, le diagnostic du TSA ne repose pas sur des tests génétiques, mais bien sur une évaluation clinique. Les signes de l’autisme peuvent être détectés dès l’enfance, et il est crucial de les identifier le plus tôt possible. De préférence, dès l’âge de 18 mois !
Les signes révélateurs d’un TSA incluent des troubles de la communication, des comportements répétitifs et un manque d’intérêt pour certaines choses. Ainsi, un enfant qui ne communique pas, ne développe pas de langage, n’interagit pas bien, s’isole tout en pratiquant des jeux routiniers doit éveiller l’attention de son entourage. Les médecins utilisent des critères spécifiques pour évaluer ces symptômes, qui doivent être présents de manière visible et persistante pour garantir la fiabilité du diagnostic. En ce domaine, les médecins traitants jouent un rôle crucial.
Aspects négatifs de l’autisme… mais aussi positifs !
Dans ses travaux de recherche, le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT s’intéresse à l’atypicité des personnes avec un TSA. Cette atypicité peut confiner, dans certains domaines, au génie ! Certes, le TSA provoque des difficultés, notamment en matière de communication et d’interrelation. Mais il permet aussi d’atteindre des niveaux de surperformance ou de talent exceptionnel par ailleurs !
Certains autistes montrent ainsi des aptitudes hors norme, comme des capacités de calcul ou des talents visuels exceptionnels. Ces compétences sont le fruit de connexions cérébrales atypiques. Certaines sont moins bien établies, tandis que d’autres se développent de manière exceptionnelle. Ce mélange entre sous et surperformance est bien illustrée dans le film Rain Man.
Cependant, il est difficile d’établir un profil type de personne avec un TSA. Car l’autisme présente un spectre de formes cliniques variées, chaque personne autiste présentant une trajectoire individuelle unique.
Éducation adaptée et accompagnement des parents
Pour mieux intégrer les personnes avec un TSA et faire en sorte que la société bénéficie de leurs talents particuliers, le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT met en avant l’importance d’une éducation adaptée. Elle prodigue ainsi des conseils éducatifs aux parents et professionnels pour favoriser une meilleure connexion.
La prise en charge des enfants avec un TSA passe par l’éducation et la rééducation, en matière de communication sociale, notamment. En parallèle, l’accompagnement joue un rôle crucial, tant à l’école qu’au sein de la famille.
Cet accompagnement est essentiel, car certains parents se sentent démunis face aux défis posés par le TSA. D’autant que les besoins peuvent considérablement varier en fonction de sa forme clinique. Cet accompagnement prend par exemple la forme de vidéos montrant aux parents comment entrer en communication avec leur enfant.
Aider les parents à comprendre comment leur enfant avec un Trouble du Spectre de l’Autisme fonctionne
Ce travail d’accompagnement s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire comprenant des infirmières, éducateurs, orthophonistes et psychomotriciens. Ensemble, ils proposent un programme complet à l’attention des enfants et de leurs parents. Chaque enfant nécessite une évaluation détaillée de son fonctionnement, de façon à pouvoir offrir aux parents des conseils spécifiques et adaptés.
Les professionnels leur expliquent ainsi ce que leur enfant est capable de comprendre ou de percevoir en termes de langage et d’émotions. Cette compréhension leur permet de mieux interpréter le comportement de leur enfant et de s’y adapter. Un des conseils récurrents est l’importance de la prévisibilité et l’utilisation de supports visuels pour structurer l’emploi du temps et communiquer. Car le circuit visuel fonctionne bien mieux que l’auditif chez les personnes avec un TSA.
Plus généralement, les professionnels abordent avec les familles les différents domaines de développement de leur enfant : aspects moteurs, linguistiques, etc. La restitution de cette évaluation aux familles peut durer jusqu’à une heure et demie !
Améliorer la qualité de vie des enfants avec un Trouble du Spectre de l’Autisme
Une meilleure compréhension du fonctionnement de leur enfant est essentielle pour les parents. Car pour eux, un enfant qui ne communique pas ou n’interagit pas, cela peut être très déroutant. Les professionnels expliquent alors la raison pour laquelle certains comportements ne se développent pas naturellement. Ils aident également l’enfant à entrer en communication et en relation, en simplifiant certains scénarios et en utilisant des supports visuels et des images.
Cette démarche permet non seulement d’améliorer la qualité de vie des enfants autistes. Elle valorise également leurs talents uniques en leur permettant de se trouver une place au sein de notre société.
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Face au TSA : tous les espoirs sont permis !
Est-il possible de promettre aux parents d’enfants avec un TSA une évolution positive ? Le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT offre des raisons d’espérer, soulignant les avancées significatives dans la compréhension du développement du cerveau. En effet, l’autisme est lié à des atypicités dans le développement du cerveau. Or, les progrès en neurosciences cognitives et affectives, domaines de recherche en plein essor en ce 21e siècle, offrent de nouvelles perspectives. Ces recherches révèlent les potentialités extraordinaires du cerveau. Elles suggèrent que les solutions aux troubles neurodéveloppementaux se situent au niveau de l’activation de ces ressources cérébrales.
Le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT a ainsi pu observer des évolutions très positives chez certaines personnes autistes. Par exemple, elle a connu un enfant qui, à 4 ou 5 ans, n’avait toujours pas développé de langage. Or, en janvier 2024, cet enfant devenu grand a envoyé au Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT ses vœux en lui disant qu’il avait réussi à trouver un emploi et un appartement ! Bien que ce cas ne puisse être généralisé, les avancées liées à un diagnostic précoce combiné à des interventions adaptées sont indéniables. Car elles mettent en jeu la plasticité du cerveau. C’est-à-dire sa capacité à se réorganiser et à former de nouvelles connexions.
Finalement, le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT souligne que nous avons tout à gagner en nous inspirant des personnes avec un TSA. Il suffit pour cela de s’intéresser à leur manière particulière d’appréhender le monde. Tout en acceptant les leçons de vie qu’ils sont susceptibles de partager avec nous. Cela s’inscrit dans l’évolution globale de l’attitude de notre société vis-à-vis des personnes handicapées. Accueillir et intégrer ces personnes enrichit notre compréhension de ce que c’est que d’être vivant et présent au monde…
Le Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT (CHRU de Tours) est une spécialiste du Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA). Avec son équipe, elle a développé une approche spécifique, mêlant recherche pour mieux comprendre le TSA, et accompagnement des personnes autistes et de leur famille pour les aider dans leur vie de tous les jours. Tout en nous faisant découvrir la richesse et la poésie, dans certains cas, du TSA. Photo et vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Sea Arc Eight – Franz Gordon.
Comprendre le spectre de l’autisme : plongée saisissante dans la complexité de l’esprit humain (communiqué de presse PrOlific)
PrOlific organise une table ronde sur le thème de l’autisme le lundi 24 Juin 2024 à partir de 18h30, à la mairie de Paris Centre. Le public pourra rencontrer des associations spécialisées, découvrir la pièce de théâtre Zorteils et Solitudes, le syndrome de l’Asperge par Deborah Levi et participer à une table ronde pour échanger avec médecins, chercheurs et acteurs du milieu de l’accompagnement. L’accès à cet événement est gratuit et ouvert à tous.
Céline LOOZEN, journaliste scientifique pour France Culture, nous fait l’honneur d’animer la table ronde. Par ailleurs, cette dernière sera introduite par Eric TOLEDANO, co-auteur du film Une Année difficile et parrain de la soirée. Il évoquera son engagement auprès des associations qui viennent en aide aux personnes autistes.
Nous avons l’immense plaisir de réunir :
- Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT, responsable du Centre d’Excellence EXAC.T du CHRU de Tours
- Dr. Laetitia DAVIDOVIC, directrice de recherche à l’Institut de Pharmacologie Moléculaire et Cellulaire (CNRS, Valbonne)
- Morgane PIGACHE, doctorante à l’Institut du Cerveau et de la Moelle, Paris
- Stéphane BENHAMOU, fondateur de l’association Le Silence des Justes
- Benjamin RUIMY, agent référent des collections du Louvre et témoin.
Ces intervenants vont se réunir pour nous offrir une perspective enrichie sur l’autisme, en apportant leur expertise respective dans le domaine.
L’association Prolific est née il y a plus de 10 ans. C’est une association loi de 1901 à but non lucratif qui œuvre pour mettre en relation les citoyens et les chercheurs en biologie cellulaire. Son but est de récolter des fonds auprès du grand public pour financer la recherche à visée médicale, et médiatiser les avancées de la science auprès du grand public, notamment dans la lutte contre le cancer du sein.
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