Garçon Français homme slip de bain

Garçon Français fait renaître le bassin textile de Troyes (Vicky CAFFET-KAISSERLIAN)

Originaire de Troyes, Vicky CAFFET-KAISSERLIAN n’a au départ pas conscience du trésor sur lequel il est assis. Sa ville natale est en effet l’un des derniers bassins textiles français. Ce n’est que lorsqu’il lance en 2012 son entreprise Garçon Français (slips, caleçons, maillots de bain, chaussettes et pyjamas) qu’il se rend compte de l’avantage de sa localisation troyenne. En poursuivant sans relâche sa stratégie de distribution d’une gamme resserrée de produits qualitatifs via internet, outre sa boutique de Troyes et son réseau national de revendeurs, il est devenu le champion de la fabrication 100% française. Et contribue par là à maintenir les savoir-faire et les emplois en France.

Diplômé de l’école de commerce de Troyes, c’est lors d’un stage de fin d’études à Miami que Vicky CAFFET-KAISSERLIAN a pour la première fois l’idée de Garçon Français. « Assis sur la plage, je voyais des mecs portant tous la même marque australienne de maillots de bain et sous-vêtements. Par curiosité, j’ai décidé d’en acheter quelques exemplaires, qui m’ont bien plu. Et je me suis dit qu’un jour, je créerais à mon tour ma propre marque ».

Très indépendant de caractère, l’entrepreneuriat coule dans ses veines. « Je suis issu d’une famille d’entrepreneurs. Mes parents, mes oncles et tantes ont tous été entrepreneurs à un moment donné de leur vie. Aujourd’hui, la moitié de mes cousins, cousines et moi-même avons tous notre entreprise ».

Troyes et sa région : un district industriel dédié au sous-vêtement

Avant qu’il ne lance Garçon Français, il ne réalise pas que Troyes constitue un bassin textile si important. « 5.000 personnes travaillent encore dans le secteur dans le département de l’Aube. En 1950, elles étaient 50.000 ».

Troyes est ainsi le berceau de nombreuses grandes marques, telles Petit Bateau, Lacoste ou encore Dim. « Pendant plusieurs décennies, Troyes était la ville dans laquelle se fabriquaient culottes, tricots de corps et slips. De par l’histoire régionale, tous les savoir-faire nécessaires à la fabrication de sous-vêtements et chaussettes sont réunis à Troyes ».

Garçon Français et l’obsession pour la fabrication française

Le made in France est en vogue depuis quelques années. Si bien que de nombreuses marques communiquent sur la fabrication française de leur produits… quitte à mentir sur leur provenance réelle. Ce manque d’honnêteté révolte Vicky CAFFET-KAISSERLIAN. Par ailleurs, il constate que certaines pièces textiles tels que les jeans, à force d’être assemblées aux quatre coins du monde, font plusieurs fois le tour de la terre avant de finir dans nos dressings. Ce qui est absurde ! Lui privilégie un circuit court et une production authentiquement locale.

Sans expérience textile préalable, il découvre rapidement les contraintes liées à l’approvisionnement en France. « J’ai ainsi pu découvrir les différences tarifaires entre le fait de produire au Maghreb ou en Chine, par rapport à la France : les coûts sont multipliés par 10 ou même 15 ! » Cependant, il préfère lutter contre le changement climatique, tout en conservant les emplois et le savoir-faire en France. « J’avais aussi envie d’être fier de mon produit, pour pouvoir en parler sans filtre. Dès le départ, quand j’ai lancé la marque, je connaissais l’endroit exact où les tissus étaient tricotés et les teintures, élaborées. Je connaissais personnellement les ouvriers s’occupant de telle ou telle partie de la fabrication de mes articles ».

Le marché du sous-vêtement masculin ne connaît pas la crise

Lorsqu’il lance Garçon Français en 2012, le marché masculin du prêt-à-porter est en crise, à l’exception du segment du sous-vêtement. Si bien qu’au début des années 2010, de nombreuses marques apparaissent sur ce marché. « En 2012, une quinzaine de marques françaises sont présentes sur le marché. Par la suite, le marché fait son œuvre de sélection, et la majorité de ces marques n’existe plus ».

Aujourd’hui, ce marché est toujours en croissance. Même si, depuis la pandémie, les personnes achètent de moins en moins de vêtements et de sous-vêtements. Cela demeure tout de même un produit rentable pour de grandes marques faisant fabriquer leurs produits à l’autre bout du monde. Ces dernières s’immiscent donc sur le marché.

Les spécificités de la fabrication 100% française

Cependant, comment faire pour résister aux produits fabriqués en Asie ou au Maghreb ? En jouant sur les économies d’échelle ! « Pour les sous-vêtements comme pour les pyjamas, nous avons recours aux mêmes tissus. Au lieu de commander 5.000 mètres d’un même coloris, nous en commandons plus. L’erreur de nombreuses marques se lançant dans la fabrication française a consisté à trop diversifier leur gamme de produits. Or, la fabrication française n’offre pas de marges suffisantes pour une diversification tous azimuts. Pour notre part, nous varions les coloris, les coupes, mais nous restons des spécialistes du sous-vêtement ».

De même, lorsque l’on décide de faire fabriquer en France, l’inconvénient majeur provient des 40 ans de désindustrialisation passés par là. « Lorsque nous mettons en place une ligne de production avec notre atelier de fabrication de Troyes, il est difficile de lui confier notre production pour une courte période. Il faut faire preuve de fidélité car les lignes de production se montent sur plusieurs années. Cela suppose des campagnes de formation à l’attention des couturiers et couturières se trouvant derrière les machines ».

Garçon Français, une entreprise intraitable sur la qualité de ses produits made in France !

Dans la mesure où il se montre strict sur son cahier des charges et exigeant sur la qualité, Vicky CAFFET-KAISSERLIAN reste fidèle à ses fournisseurs. « Nous travaillons avec notre atelier de confection depuis 2018. Concernant les tissus, nous travaillons avec le même fabriquant depuis 12 ans. Idem pour les élastiques. En raison de la désindustrialisation des décennies passées, pour certains métiers, il n’existe plus qu’un seul fournisseur en France ». À moins de mettre en œuvre une stratégie de long-terme, impossible, donc, de fabriquer dans notre pays !

Enfin, concernant le design, Vicky avoue qu’il ne sait pas dessiner. « Néanmoins, j’ai des idées que je confie à mon équipe de stylistes qui me reviennent avec des propositions. Puis, nous sortons un prototype. En fonction du rendu sur le tissu, nous décidons de lancer la nouvelle collection (ou pas). Entre l’idée d’un dessin et sa mise en production puis sa commercialisation, il faut bien compter environ un an ».

Garçon Français : homme en slip de bain sur la plage.
Garçon Français (c) photo : Charlotte Bertonneau.

Le portrait-robot du client de Garçon Français

Alors qu’il réfléchit à son business plan en vue de créer sa société, Vicky CAFFET-KAISSERLIAN cible les 25-40 ans. Cependant, au bout d’un trimestre, il comprend que son étude de marché est complètement erronée. Sa cible est en fait constituée par des hommes entre 40 et 60 ans. En effet, les moins de 35 ans font assez peu attention à leurs sous-vêtements car cela ne se voit pas. « Ils privilégient l’achat d’un beau jeans ou d’un joli T-Shirt qui, eux, se voient ». En dehors de l’âge, les clients de Garçon Français ont des profils variés.

Sur internet, les hommes constituent 80% d’une clientèle qui achète pour ses besoins propres. En boutique, 55% des clientes sont des femmes, venues pour offrir un cadeau. « Le panier moyen sur internet est deux fois supérieur à celui en boutique », précise toutefois Vicky.

Compte tenu de la prépondérance d’internet (75% des achats), Garçon Français est très attentif à ses visuels, qu’elle essaie de rendre les plus attrayants possibles. « C’est essentiel pour pouvoir communiquer sur internet et les réseaux. Nous consacrons par conséquent un budget conséquent à la réalisation de nos photos ». Le lancement de campagnes marketing soignées réalisées par un photographe talentueux a ainsi débouché sur une croissance significative des ventes sur internet.

À lire également : Mister k. : une mode élégante et durable, par Charlotte Husson.

Une croissance régulière des résultats financiers

En 2020 et 2021, avec la pandémie, Garçon Français a enregistré des années de croissance folle ! « Nous éprouvions même des difficultés pour suivre la demande. Par la suite, 2022 a été plus calme. 2023 a malheureusement été catastrophique. Néanmoins, nous continuons de croître sur la partie internet : +20% par an. En revanche, sur la partie distributeurs, les boutiques ne cessent de fermer en France. Cette partie de notre business est donc en déclin depuis deux ans et demi. Depuis 2022, le chiffre d’affaires global a augmenté de 10%, grâce à internet principalement ».

Concernant le futur, Vicky CAFFET-KAISSERLIAN souhaite continuer de faire ce qu’il sait le mieux faire, à savoir des sous-vêtements, chaussettes et maillots de bain pendant la saison estivale. « Le seul marché qui a un peu évolué depuis trois ans concerne le vêtement d’intérieur. Nous vendons davantage de pyjamas. »

Garçon Français fait donc la démonstration qu’il est encore possible de fabriquer en France, même dans le secteur du textile réputé difficile. Cette entreprise contribue ainsi à maintenir les savoir-faire et les emplois dans notre pays, tout en ouvrant la voie à la réindustrialisation !

Plus d’informations en cliquant ici.

Vicky CAFFET-KAISSERLIAN revient sur la fondation de Garçon Français (slips, caleçons, maillots de bain, chaussettes et pyjamas) et le challenge représenté par une production 100% française sur le marché hyperconcurrentiel du sous-vêtement masculin. Photo : (c) Garçon Français. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Umbra – Lofive.

Auteur :

N'hésitez pas à partager