À 30 ans, Élise GIRAUDAU combine sa carrière d’ingénieure avec une passion dévorante pour la littérature. Aujourd’hui, elle publie son premier roman La Vie en Turquoise en évoquant le sujet douloureux de sa vie : le décès de sa sœur Louise emportée par un cancer des ovaires en 2023, alors qu’elle n’avait que 23 ans. Et elle entraîne son lecteur dans les affres de la maladie en disant tout de la réalité vécue par les malades et leurs aidants.
Écrit en collaboration avec Karlem.
Avant que sa sœur Louise ne décède, Élise GIRAUDAU lui fait une promesse. En effet, Louise se sait condamnée par le cancer ovarien dont elle est atteinte. Et elle a décidé d’arrêter les traitements qui la font davantage souffrir encore que la maladie. Néanmoins, elle veut continuer de sensibiliser le public au cancer, car « aider les autres, Louise considérait que là se trouvait sa mission ». À la demande de sa sœur, Élise accepte donc de reprendre le flambeau. Ayant toujours aimé raconter des histoires, elle intègre les écrits de sa sœur à son propre récit, donnant ainsi naissance à un roman à deux voix, La Vie en Turquoise.
À la lecture du roman d’Élise, on ne peut qu’être frappé par son style moderne. Elle intègre ainsi le style télégraphique des SMS et des courriels là où d’autres auraient choisi une forme plus ‘littéraire’. Cette modernité n’est pas sans rappeler l’œuvre de certaines autrices contemporaines, telles Clara HÉRAUT ou Célia SAMBA. Comme ces dernières, Élise se joue de ces différents moyens d’expression, donnant ainsi à sa plume un côté accessible et engageant vis-à-vis du lecteur d’aujourd’hui.
La Vie en Turquoise, un récit à deux voix
Dans son œuvre, Élise GIRAUDAU effectue un va-et-vient constant entre réalité et fiction. En effet, La Vie en Turquoise s’inspire de faits réels tout en restant une œuvre largement inventée. Ainsi, pour dénoncer certains comportements inacceptables, l’autrice n’hésite pas à grossir le trait des agissements de certains de ces personnages ! Par ailleurs, alors que des événements sont condensés sur une journée dans le roman, ils se sont en réalité étalés sur plusieurs jours. Qu’à cela ne tienne : Élise GIRAUDAU assume des choix narratifs visant à assurer la fluidité de son récit.
De même, les épisodes liés aux relations amoureuses vécues par « Ellie » dans le roman ne reflètent pas exactement son propre vécu. Mais ils servent le propos narratif, en s’attardant sur les différents types de réactions face à sa maladie.
Entre réalisme brut et sensibilité
Parmi les éléments de réalisme qu’Élise GIRAUDAU a tenu à conserver, on trouve tout ce qui a trait à la maladie en elle-même. L’autrice n’hésite pas à choquer les âmes sensibles en osant briser certains tabous. Elle veut offrir un témoignage réaliste et authentique sur la fin de vie… même si « ce n’est pas glamour ! »
Élise GIRAUDAU explique son choix de ne rien cacher des aspects les plus « graphiques » du cancer par sa volonté de respecter sa sœur et la combattivité dont elle a fait preuve, jusqu’à la dernière minute. En tenant un « Carnet de cancer » sur les réseaux sociaux, Louise cherche à lever tous les tabous liés à la maladie. Comme le rapporte Élise GIRAUDAU, « elle ne comprenait pas la raison pour laquelle ces sujets devaient rester cachés ».
L’autrice inscrit son travail dans le prolongement de cette démarche en décrivant de manière réaliste les effets de la maladie, y compris dans ses aspects les plus intimes : diarrhées, perte d’autonomie ou encore la morphine et ses effets. Pour Élise GIRAUDAU, il est crucial de normaliser ces faits. « Ce faisant, je dénonce la « double-peine » pesant sur les malades. En plus de souffrir, ils devraient aussi se cacher pour ne pas choquer les bien portants ? Non ! »
La Vie en Turquoise : faire avancer les mentalités
L’autrice espère ainsi faire avancer les mentalités, tout en aidant le lecteur à comprendre que la maladie et la fin de vie font, malgré tout, partie de la réalité humaine. Élise GIRAUDAU reconnaît que son roman n’est pas un divertissement léger. « Certaines descriptions frontales peuvent être difficiles à lire, reconnaît-elle. Peut-être que mon livre n’est pas destiné aux lecteurs traversant une période de fragilité ».
Cependant, Élise GIRAUDAU rapporte avoir reçu de touchants retours de la part de malades. Ces derniers avouent avoir trouvé du réconfort et de la compréhension dans son récit. Ces témoignages montrent que le livre présente un impact positif, en sortant les personnes touchées par la maladie de leur isolement. Elles ne sont plus seules face à leurs questionnements ou à leurs peurs.
En toute transparence
Néanmoins, dans le but de préserver les lecteurs les plus sensibles, une liste des thèmes figure en début d’ouvrage. Il s’agit d’une initiative de la maison d’édition d’Élise GIRAUDAU, Lézard des mots. Par ailleurs, l’autrice elle-même recommande de faire des pauses dans la lecture de son livre si l’expérience devient trop dense.
Élise GIRAUDAU précise néanmoins : « le roman contient également des passages plus légers et humoristiques. Pour cela, je me suis servi du caractère solaire de Louise. Néanmoins, je l’avoue : La Vie en Turquoise n’est pas un roman sur l’espoir face à la maladie. Dès le début, nous savons comment tout cela va se terminer ».
Cette transparence porte en elle un message visant à sensibiliser le public face à la maladie, tout en normalisant ses aspects les plus prosaïques. « Mon roman, bien que difficile à lire, est une œuvre nécessaire pour comprendre et accepter la maladie dans toute sa réalité ».
La Vie en Turquoise bouscule les traditions narratives
La Vie en Turquoise se distingue non seulement par son contenu poignant, mais aussi par sa forme innovante. Tout en adoptant une structure découpée à la serpe pour son récit, l’autrice met l’accent sur la nécessaire communication entre les personnages soumis à l’épreuve de la maladie. Élise GIRAUDAU cherche ainsi à créer une expérience de lecture émotionnellement immersive. Elle divise son récit en étapes, vagues, puis fragments. Chaque partie se distingue par des variations typographiques.
Cette structure non linéaire permet de rappeler les différentes étapes du deuil tout en filant la métaphore de l’océan, présente tout au long du récit. L’autrice explique que, par cette approche, elle veut couper la respiration du lecteur. Car elle cherche à reproduire l’effet d’apnée ressenti alors que l’on côtoie la maladie.
Conserver le lien
En outre, les phrases courtes et la structure fragmentée créent une impression d’angoisse. Elles immergent le lecteur dans le vécu des personnages. Élise GIRAUDAU utilise tous les moyens à sa disposition pour partager avec ses lecteurs les sensations et les émotions engendrées par la maladie et ses effets sur le quotidien des aidants.
De plus, le dialogue occupe une place prépondérante dans le roman. « Pour moi, la communication, verbale ou écrite, est essentielle. Ma sœur et moi avons grandi dans une famille aimante où l’on pouvait tout se dire. Nous avons toujours eu toutes deux conscience de l’importance de la parole ». Cette complicité se traduit naturellement par des dialogues intenses et authentiques, entre les deux protagonistes notamment. Cette volonté de dire la vérité et de communiquer se retrouve également dans le podcast sur l’écriture qu’Élise GIRAUDAU anime.
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La Vie en Turquoise fait œuvre d’utilité en disant le vrai
Une fois son roman achevé, Élise GIRAUDAU a eu le sentiment de s’être montrée utile. En ayant tenu sa promesse d’écrire ce livre, elle honore la mémoire de sa sœur, certes, mais aussi elle transforme l’impuissance qu’elle a ressentie pendant les longs mois de son agonie en action salvatrice.
C’est non seulement vrai vis-à-vis de sa propre famille, mais aussi du grand public. Elle souhaite ainsi que les lecteurs retiennent une image solaire de sa sœur Louise. Car elle était ainsi de son vivant. Elle veut également mettre fin à certains dysfonctionnements dans les hôpitaux en les dénonçant. Enfin, dans son roman, elle caractérise l’éventail des réactions face à la maladie, allant de l’indifférence la plus endurcie à l’empathie la plus consolatrice.
En donnant une représentation plus juste du cancer, loin des clichés aseptisés souvent véhiculés dans les médias, elle célèbre les véritables guerriers et guerrières de ce monde. Autrement dit, les personnes se battant contre la maladie et leurs aidants, qu’elles soient chez elles ou à l’hôpital. « C’est à elles et à leur immense courage que je veux aussi dédier mon roman », conclut Élise GIRAUDAU.
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Dans son roman La Vie en Turquoise, Élise GIRAUDAU se remémore les derniers mois de la vie de sa sœur Louise, emportée en 2023 par un cancer ovarien foudroyant. Outre le fait de témoigner sur la maladie et ses conséquences, Élise GIRAUDAU nous montre la voie par son incroyable résilience ! Photo : (c) Lézard des Mots. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) : ES_Reverie 3 – Patrik Almkvisth.
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