Parmi les récentes expositions du peintre murcien Pedro CANO, il en est une qui retient particulièrement l’attention. Celle où il montre ses aquarelles de portes italiennes au Meadows Museum (Dallas) à l’automne 2024. Selon Patricia MANZANO RODRIGUEZ, conservatrice de ce musée, il s’agit d’établir un dialogue entre les œuvres d’artistes espagnols influencés par l’Italie, pour initier le public américain aux paysages italiens et à leur traduction par ces artistes ibères. Elle revient pour nous sur les temps forts de cette expo.
D’abord formée en histoire de l’art à Madrid, Patricia MANZANO RODRIGUEZ part ensuite au Royaume-Uni, à l’Université de Durham, pour y réaliser son doctorat sur le baroque espagnol. « Donc, rien à voir avec l’art contemporain », reconnaît-elle ! « J’ai cependant un master en art contemporain. Par la suite, j’ai bénéficié d’une bourse Mellon m’ayant permis de venir au Meadows Museum de Dallas. À la fin de mon fellowship, je me suis vue proposer le poste de conservatrice. Et… me voilà ! »
Pedro CANO se rappelle quant à lui qu’il a exposé au Meadows une première fois en 1988. L’évènement portait alors sur le « Grand Tour » que les voyageurs européens, anglais notamment, réalisaient au 19e siècle pour aller explorer le sud de l’Europe. Et il donne lieu à un catalogue intitulé Jornadas écrit par Edward SULLIVAN, fin connaisseur de la peinture espagnole.
Le Meadows Museum, focalisé sur l’art espagnol
Le Meadows Museum est un musée des beaux-arts localisé à Dallas, spécialisé en art espagnol. En dehors de l’Espagne, il regroupe une des collections de peinture ancienne espagnole parmi les plus intéressantes, avec des œuvres notamment de Velázquez ou Murillo. Mais le musée possède aussi des tableaux modernes d’Antoni TAPIES, de PICASSO ou encore SOROLLA.
Son fondateur, Algur Meadows, se rend en Espagne dès les années 1950. Tombé amoureux de ce pays et de son art, il commence à se constituer une collection… avant de réaliser qu’il a en réalité acheté de nombreux faux. Par suite du scandale, il décide de se faire aider par un spécialiste. « Car, bien que grand amateur d’art, il n’avait pas la formation requise pour repérer les faux. Le premier directeur du musée en profite pour expurger la collection… en repartant pratiquement de zéro ! »
« L’héritage du Vésuve », exposition présentée au public à l’automne 2024
À l’automne 2024, le Meadows organise une exposition intitulée « L’héritage du Vésuve ». Elle porte sur les fouilles du 18e siècle menées à Pompéi et Herculanum par la famille des Bourbon de Naples. Dans sa partie introductive, l’exposition intègre des œuvres sur papier et des peintures d’artistes espagnols des 17e au 21e siècles ayant suivi leur formation en Italie ou simplement inspirés par ce pays.
« Nous y avons montré des œuvres de Martín RICO ou encore de Mariano FORTUNY. Nous avons également accueilli la première œuvre conceptuelle d’Ignasi ABALLÍ représentant des façades de bâtiments vénitiens ». D’autant qu’elle entrait en résonnance parfaite avec les « portes italiennes » peintes par Pedro CANO autour d’Anguillara, Viterbese, ainsi qu’en Toscane.
« Artistes espagnols en Italie », une exposition dans l’exposition
En vue de préparer cette exposition dans l’exposition, Patricia MANZANO RODRIGUEZ a l’idée de reprendre le carnet de Pedro CANO, Portes italiennes, faisant déjà partie du fonds du Meadows. Ce livre regroupe 27 aquarelles. « Cela a donné lieu à une magnifique rencontre avec le travail d’Ignasi ABALLI ».
Selon la conservatrice, « il était très amusant de faire émerger ces œuvres tout droit sorties de la réserve du musée. Elles étaient restées si longtemps à l’abri du regard du public ! J’étais donc ravie que tout le monde puisse enfin les admirer ! Le format des portes n’est pas immense, même si les pages du carnet de Pedro CANO sont plus grandes que les pages d’un carnet ordinaire. Ce carnet n’étant pas relié, il nous était possible d’exposer chaque aquarelle de façon indépendante ».

Une sélection guidée par la gamme chromatique utilisée par Pedro CANO
Cependant, plutôt que d’individualiser chaque œuvre, Patricia MANZANO RODRIGUEZ prend grand soin d’instaurer une conversation entre les pièces exposées. « Mon choix s’est fondé sur la gamme chromatique utilisée par Pedro CANO pour chacune de ses portes. Certaines tirent sur le jaune, d’autres, sur le bleu, d’autres encore sur le rouge. Il était donc amusant de tirer parti de leurs gammes chromatiques respectives. L’objectif était d’obtenir une concordance entre les œuvres de Pedro CANO et celles des autres artistes exposés ».
Patricia MANZANO RODRIGUEZ insiste sur le pouvoir évocateur des aquarelles de Pedro CANO… ainsi que sur leur caractère intemporel. « Bien qu’elles aient été réalisées dans les années 80, si vous m’aviez dit qu’elles avaient été peintes hier, je vous aurais cru ! Car ce sont des œuvres intemporelles ! »
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Le Meadows suscite l’intérêt du public américain pour l’Italie
Finalement, Patricia MANZANO RODRIGUEZ nous rapporte que la réaction du public s’est révélée très positive. « En pénétrant dans le musée pour atteindre le lieu précis de l’exposition, à gauche, les visiteurs découvraient les Artistes espagnols en Italie des 18e et 19e siècles. À droite se trouvaient les artistes des 20e et 21e siècles, comme l’œuvre d’Ignasi ABALLÍ et les portes de Pedro CANO. Chaque visiteur devait donc parcourir cette petite exposition introductive avant de pouvoir accéder à la salle d’exposition principale. Il s’agissait pour nous de susciter l’intérêt du public américain en le sensibilisant aux paysages et à l’architecture italienne ».
« Artistes espagnols en Italie : un dialogue entre tradition et innovation » (extrait du cartel du Meadows Museum)
« Les Portes italiennes de CANO se focalisent sur des portes se détachant des bâtiments dont elles font partie. Ces aquarelles témoignent de la richesse historique et esthétique des villes italiennes, tout en témoignant d’une observation très fine de la couleur, de la lumière et de l’ornementation. Dans Inventario, ABALLI présente des fragments photographiques de bâtiments vénitiens, mettant l’accent sur leurs stucs texturés et colorés. Sa recension systématique de ces façades urbaines remet en question les notions traditionnelles d’art et de documentation, soulignant l’interaction entre réalité et représentation. Grâce à leurs techniques distinctes, CANO et ABALLI mettent en lumière certains détails architecturaux habituellement négligés, invitant le spectateur à reconsidérer sa perception du paysage urbain italien ».
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Également, visitez le site de la Fondation Pedro CANO à Blanca (Murcie, Espagne).
Patricia MANZANO RODRIGUEZ (conservatrice au Meadows Museum de Dallas) revient sur l’histoire particulière de son musée. Elle rappelle que Pedro CANO y tient une première expo en 1988, avant de revenir en 2024 pour « Artistes espagnols en Italie ». Lors de cette dernière exposition, huit de ses portes italiennes sont mises en avant… Retour sur une exposition-phare du Meadows. Photo : (c) Meadows Museum. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_No Water No Wine – Will Harrison.


Si vous cliquez ici, vous découvrirez le clin d’œil… en forme d’arrête de poisson de Pedro CANO !
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