La filière cuir est un secteur clé de l’économie de la Nouvelle-Aquitaine. Que cela concerne la ganterie (spécialité historique de Saint-Junien) ; la chaussure/maroquinerie (en pleine renaissance à Briscous, près de Bayonne) ; ou encore la sellerie d’équitation, à Bidart. Pour nous parler du dynamisme de cette filière vedette, nous avons rencontré Noémie Devoucoux, co-gérante de l’entreprise familiale Façon Cuir. Avec son père et ses frères, elle se démène pour trouver des solutions aux problèmes de recrutement auxquels les acteurs du cuir néoaquitains font face, à travers l’association ResoCUIR, notamment.
Le travail du cuir est une activité traditionnelle de la Nouvelle-Aquitaine, comme à Saint-Junien où les premiers ateliers de ganterie remontent au 11e siècle. Par ailleurs, nombre d’acteurs de la sellerie d’équitation se concentrent en Nouvelle-Aquitaine : le groupe LIM, acteur majeur en France et à l’international ; les selleries Voltaire ou Devoucoux (toutes deux situées à Bidart) ; ou encore Flex-on, installée à Pau.
Le hub néoaquitain du cuir
Dans le secteur de la maroquinerie, on trouve en Nouvelle-Aquitaine les ateliers Hermès à Saint-Junien. Ou encore le groupe Tolomei, implanté à Briscous, dont les immenses ateliers emploient jusqu’à 100 personnes.
La région Nouvelle-Aquitaine est tout à fait consciente de cet atout. Elle prend régulièrement des mesures pour valoriser sa filière « cuir, luxe et métiers d’art ». Comme le rappelle Noémie Devoucoux, responsable administrative et financière de la société Façon Cuir, « la région nous apporte aides et soutien. Elle a ainsi subventionné notre participation au salon Made in France de novembre dernier. Par ailleurs, nous entretenons des contacts réguliers avec les responsables régionaux, attentifs à développer les savoir-faire locaux liés au cuir ».
Famille Devoucoux : de la sellerie Devoucoux à Façon Cuir
La sellerie Devoucoux est créée par les parents de Noémie dan0s les années 80. Originellement située à Biarritz, elle déménage à Bidart par la suite. Le père de Noémie vend la société en 2012 au groupe LIM, par ailleurs propriétaire des marques CWD, Butet, etc. Monsieur Devoucoux père ainsi que ses fils restent salariés de la sellerie Devoucoux jusqu’en 2018, année au cours de laquelle ils décident de reprendre leur liberté. Ils créent alors Façon Cuir. « Aujourd’hui, nous n’avons plus de lien capitalistique avec la société Devoucoux, même si cette dernière porte encore notre patronyme ».
En revanche, certaines grandes marques de sellerie sont devenues clientes de Façon Cuir en confiant à cette dernière le soin de monter leurs selles. Façon Cuir représente un maillon particulier de la chaîne de production de la sellerie. En général, les marques montent leurs selles dans leurs propres ateliers… lorsqu’elles ne font pas appel aux ateliers de sous-traitance spécialement dédiés à la sellerie de Façon Cuir.
Aujourd’hui, Façon Cuir est animée par ses cinq co-gérants, tous issus de la famille Devoucoux. « Certes, nous fabriquons des articles de sellerie d’équitation et de maroquinerie. Mais nous distribuons également sous notre propre marque, ERRO (‘Racine’, en basque) ».
Les métiers du cuir : depuis la conception, à la découpe…
L’ensemble de l’éventail des métiers du cuir est représenté au sein de Façon Cuir. Depuis la conception jusqu’à l’expédition. « Même s’il est vrai que mes frères interviennent dans la conception des produits, nous employons une personne dédiée à ce type de tâches. Elle dessine les produits, avant de les prototyper et d’en faire des maquettes. Cela nécessite d’avoir des relations en amont avec les clients, pour bien s’assurer que les produits correspondent à leurs attentes ».
Par la suite, les coupeurs ont pour mission de tailler les pièces de cuir. Or, il convient d’optimiser au maximum la gestion de cette précieuse matière première, en limitant les chutes. Cela passe par la conception, bien entendu. Mais le coupeur a aussi son rôle à jouer. Comme l’explique Noémie, « nous récupérons les premières chutes de cuir pour les réemployer dans la fabrication d’autres articles. Nous ne jetons finalement que de tout petits bouts de cuir, lorsqu’il devient évident que nous ne pouvons plus ‘retaper’ dedans ».
Généralement, les chutes qui ne peuvent être réutilisées dans la sellerie sont destinées aux articles de maroquinerie, plus petits. Les coupeurs doivent avoir une connaissance approfondie du cuir, matière naturelle s’il en est. Constituée de fibres, il convient d’en respecter le sens lors de la découpe. De plus, certaines zones conviennent davantage à des produits spécifiques. Les coupeurs ajustent aussi l’épaisseur de la matière en fendant le cuir, en fonction du produit final. En outre, il existe une grande variété de types de cuirs. Par conséquent, le savoir-faire des coupeurs est capital pour une entreprise telle que Façon Cuir.
… jusqu’à la finition, en passant par le montage ou la piqure
Une fois les pièces découpées, les artisans prennent le relais au sein des ateliers. Ils assemblent les pièces en les positionnant les unes par rapport aux autres. Ensuite, les piqueurs cousent les pièces entre elles avec des machines à coudre spéciales. Enfin, intervient la finition : teintures des tranches, ponçage, meulage ou encore gravure. Les noms et les marques sont ainsi gravées sur les cuirs (frappe à chaud ou bien gravure simple).
Concernant la sellerie plus particulièrement, chaque selle se compose de plus d’une vingtaine de pièces. Celles-ci sont montées à la fin du processus de fabrication sur un arçon, véritable squelette de la selle. Il s’agit d’une étape physique qui a toute son importance. En effet, si le montage est raté, tout le travail en amont est réduit à néant. Selon Noémie, « certaines marques nous sous-traitent cette étape finale assez délicate, car elle nécessite un savoir-faire particulier. À ce propos, la formation pour devenir monteur est assez longue. Elle nécessite de maîtriser certains gestes. De plus, c’est un métier rude sur le plan physique. Les monteurs ont généralement le haut du corps assez développé, car ils travaillent beaucoup avec leurs bras ».
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Focus sur les besoins en main d’œuvre de la filière cuir, avec ResoCUIR
Aujourd’hui, les entreprises de la filière cuir présentent de gros besoins en opérateurs d’atelier. Maroquiniers et selliers : aujourd’hui, ce sont des métiers qui font rêver. Noémie reçoit ainsi de nombreux CV en provenance de personnes très motivées, mais pas du tout formées. Elles sont généralement en reconversion, ayant exercé dans les métiers de services et à la recherche de métiers plus manuels. Elles idéalisent l’artisanat, sans se douter que cela nécessite de travailler en respectant un carnet de commandes précis. Cela implique parfois de tenir le rythme !
Dans le cadre de ResoCUIR, association de représentation des acteurs de la filière cuir de Nouvelle-Aquitaine, Façon Cuir a participé à une réunion en 2021 pour faire remonter les problèmes de recrutement de piqueurs machine. « En effet, un des dénominateurs communs aux différentes activités du travail du cuir (sellerie, maroquinerie, chaussure, ganterie), réside dans le recours à des machines à coudre le cuir. Cette formation de piqueur de 400 heures ou trois mois a finalement vu le jour en octobre 2021, à l’attention d’un effectif de 10 personnes ».
À l’initiative de ResoCUIR, Pôle Emploi a mis en ligne une annonce, avant d’organiser une réunion de formation. Toutes les entreprises concernées se sont présentées. Les personnes intéressées ont passé des tests. Celles qui les ont réussis ont choisi leur entreprise. Des job datings ont eu lieu. « Nous avons rencontré les personnes qui nous avaient choisis. Nous avions deux places attitrées et nous avons finalement retenu deux CV. Cette formation a été dispensée dans les locaux de l’ASFO Adour, à Ustaritz, par… mon propre père ! »
ResoCUIR : un forum de discussion débouchant sur des initiatives vertueuses
Après avoir suivi quelques cours génériques sur le cuir, les apprentis sont rapidement passés au travail à la table et à la piqure. À la fin de la formation, les personnes ont réalisé un stage en entreprise de deux semaines. Au terme de leur stage, la plupart a fait l’objet d’un recrutement. Les candidats savaient déjà ce qu’était le cuir. Ils en connaissaient le vocabulaire, avaient déjà touché une machine et savaient généralement bien piquer. Le processus de recrutement en a donc été grandement facilité. « Cette expérience a été très concluante et tout le monde a été satisfait, à tel point que l’expérience a été renouvelée en 2022. Une nouvelle session devrait également avoir lieu en 2023. »
Selon Noémie, « ce canal de recrutement est ‘top’ ! Car il minimise les efforts de formation en interne, même s’ils demeurent indispensables ». ResoCUIR joue le rôle d’un forum de discussion entre les acteurs de la filière cuir. Cela leur donne l’occasion d’évoquer leurs problématiques communes, dont le recrutement. ResoCUIR fait circuler l’information entre les acteurs de façon que chacun bénéficie des initiatives vertueuses des autres. « Quand il y en a un qui a une bonne idée, cela permet d’en faire profiter tout le monde », conclut Noémie.
Noémie Devoucoux, co-gérante au sein de l’entreprise familiale Façon Cuir (membre de ResoCUIR) constate les difficultés qu’elle rencontre pour fidéliser les salariés. Photo : (c) pixdeluxe – iStock. Vidéo : (c) LaTDI.
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