Loin des pratiques eugénistes scandaleuses du passé, nos sociétés se veulent désormais accueillantes, inclusives et épanouissantes pour toutes et tous. Y compris vis-à-vis des personnes en situation de handicap, qu’elles invitent à participer à l’effort collectif de production. C’est le sens de la mission que s’est fixée Boutayna BURKEL avec son cabinet de conseil The Helpr. Elle intervient désormais auprès des managers et des salariés pour favoriser l’émergence d’un environnement de travail solidaire. Ou comment, à partir d’un collectif donné, créer de la magie…
C’est en 2020 que Boutayna BURKEL crée The Helpr, poussée par un désir de prendre à bras le corps le thème de la responsabilité sociale des entreprises. « Dans une autre vie, j’ai été consultante en stratégie des organisations. Je me suis alors rendu compte que la souffrance au travail était partout présente ». Avec TH Conseil, The Helpr publie en avril dernier une étude* jetant une lumière crue sur ce phénomène. Elle nous en livre aujourd’hui les principales conclusions.
Pourquoi favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap ?
Boutayna BURKEL commence par poser un constat, celui du triomphe de l’individualisme dans nos sociétés. Pourtant, il est facile de se rendre compte que, dès que nous nous retrouvons en situation de faiblesse, nous avons besoin des autres.
Dans notre pays, certaines entreprises mettent en place des organisations solidaires et performantes, alliant responsabilité sociale et performance collective. Or, un employeur affirmant son rôle face aux accidents de la vie ou aux handicaps de naissance reçoit le soutien de son collectif de salariés. Car « cela contribue à redonner de l’espoir à toutes les personnes touchées de près ou de loin par le handicap, et elles sont plus nombreuses qu’on ne le pense! » Ce type d’initiatives fait émerger une société résiliente, solidaire, acceptant les évolutions de la vie.
Entre hypercompétition et souci du collectif
Par ailleurs, si nous voulons accueillir un nombre plus important de seniors dans les organisations, cela implique de créer des situations de travail moins pénibles et plus épanouissantes pour tout le monde.
Pour Boutayna BURKEL, le but consiste à déterminer une position d’équilibre entre individuel et collectif, performance et inclusion. « Si nous penchons à l’excès en direction de l’individualisme et de l’hypercompétition, cela risque de mener à une politique de l’exclusion, voire de l’élimination pure et simple des ‘maillons faibles’. En revanche, si nous parvenons à faire émerger un esprit d’équipe, cela crée de la magie ».
Handicap : changement dans les représentations
Pour y parvenir, les représentations du handicap doivent évoluer. C’est déjà le cas, avec certaines marques de mode montrant des vêtements allant aussi bien à l’individu en situation de handicap visible qu’à n’importe qui d’autre. De son côté, Microsoft s’intéresse au sujet par le biais de l’inclusion numérique. La diffusion d’outils ‘malins’, dynamiques et versatiles, à l’attention de tous, contribue à créer une atmosphère inclusive. « Il en est ainsi des sous-titres dans les vidéos ou encore de l’audiodescription ».
De même, les Jeux Paralympiques apportent beaucoup d’espoir, en mêlant l’empathie à la joie et l’adrénaline. Des séries, enfin, changent le regard sur certains troubles. C’est le cas de Good Doctor consacrée à un médecin autiste. Ou encore de films dédiés à la trisomie 21, tels qu’Apprendre à t’aimer, Un p’tit truc en plus, etc. Ainsi familiarisé avec le thème du handicap, le grand public n’a plus de réaction de rejet a priori.
Les efforts réglementaires en faveur du handicap au travail
Si l’on aborde plus spécifiquement la sphère professionnelle, l’étude menée par The Helpr et TH Conseil permet de quantifier certains phénomènes. Tout d’abord, elle rappelle que les personnes en situation de handicap sont plus largement touchées par le chômage (12% contre 7,5%). Par ailleurs, le handicap est sous-représenté parmi les cadres car ces derniers ne se déclarent pas, par crainte pour leurs perspectives de carrière.
Quant aux non-cadres, ils se déclarent davantage car cela leur permet d’obtenir une compensation. Car le handicap, en France, est soumis à des lois. Ainsi, les entreprises sont tenues de respecter un quota de 6% de travailleurs en situation de handicap parmi leurs salariés. Cependant, si nous considérons la moyenne nationale, nous sommes encore bien en-deçà. Car de nombreuses entreprises préfèrent acquitter un malus plutôt que de respecter ce quota.
Comme Boutayna BURKEL le reconnaît, la France a pourtant l’une des visions les plus abouties sur le handicap. Au niveau européen, la directive CSRD, applicable en France depuis le 1er janvier dernier, se contente de fixer de nouvelles normes et obligations de reporting extra-financier dans le cadre de la RSE. La CSRD oblige ainsi les grandes entreprises, particulièrement, à rendre compte des efforts déployés pour favoriser l’inclusion des personnes handicapées, en matière d’accessibilité de leurs lieux de travail.
France : une approche protectrice
L’approche européenne du handicap est donc plus restrictive que l’approche française. En effet, dans 80% des cas, le handicap est invisible. « Tandis que le handicap visible concerne une personne amputée ou mal-voyante, le handicap invisible touche les personnes bipolaires, autistes ou même souffrant d’une maladie chronique ».
Par ailleurs, il convient de distinguer les handicaps affectant les personnes dès leur naissance, minoritaires. Dans leur majorité, les handicaps sont acquis avec le temps (maladie). Ou bien ils peuvent résulter d’un accident de la vie (accident de voiture). Ou encore, ils peuvent être fabriqués. C’est-à-dire qu’ils sont le résultat d’une situation au travail ayant engendré ce type de conséquences : maladies professionnelles, accidents du travail, notamment dans l’industrie et ou le BTP.
Face au handicap : milieu professionnel ordinaire / adapté
Sur la question du handicap, la France distingue deux types de milieux professionnels différents. Premièrement, le milieu ordinaire est représenté par les entreprises simplement soumises au quota des 6%. Deuxièmement, le milieu adapté concerne des entreprises et associations dont l’inclusivité est au cœur de la mission sociale. Ainsi, le Café Joyeux assume clairement le fait de ne recruter que des personnes ayant une trisomie 21.
Ou alors, dans le cas de l’entreprise DSI, la production de cette dernière peut être intégrée dans les achats RSE de ses clients. Car la majorité de ses travailleurs sont en situation de handicap. DSI assure ainsi un processus de reconversion en recrutant ses salariés et en les faisant entrer dans un référentiel de compétences qu’ils vont pouvoir développer. DSI vient ainsi compenser certaines insuffisances du système éducatif traditionnel. Car celui-ci reste peu adapté aux personnes en situation de handicap, même en France.
Pour quels résultats ?
Comme Boutayna BURKEL le reconnaît, la plupart des entreprises sont beaucoup plus sensibilisées et mieux formées qu’il y a vingt ans. Certaines, comme le Groupe La Poste, Axa ou Malakoff Humanis, sont même très en avance. Elles communiquent ainsi sur la bonne intégration des personnes en situation de handicap au sein de leurs effectifs. Ce faisant, elles articulent ces efforts à leur stratégie RSE.
C’est-à-dire qu’elles valorisent tout le travail accompli autour du handicap en le rattachant aux sujets liés à la diversité, l’inclusion, la santé au travail, la sécurité & l’hygiène ou encore l’ergonomie. Dans certaines situations, elles abordent même la santé mentale de leurs travailleurs, n’hésitant pas à lever les sujets les plus tabous.
En revanche, d’autres entreprises s’éloignent de leur responsabilité sociale en raison de la charge bureaucratique qu’elle sous-tend. « Elles en ont peur et ne savent par où commencer ».
La contribution de The Helpr
C’est à l’attention de ces dernières que Boutayna BURKEL positionne sa proposition avec The Helpr. Elle aide ses clients à identifier certaines failles vis-à-vis du travailleur en situation de handicap comme du manager. Comme elle le note, « les managers se retrouvent perdus, entre les questions liées à la confidentialité ou à l’individualisation, par exemple. »
Selon Boutayna BURKEL, les managers ont aussi besoin d’informations concernant certaines spécificités en termes de communication. Cela va de la façon d’accueillir et de guider la personne, ou d’alléger son ressenti par rapport à certaines situations. Car le but consiste à lui permettre de continuer à se développer en la maintenant dans l’emploi, en évitant la ‘facilité’ du licenciement. « C’est sur l’ensemble de ces pratiques que nous accompagnons les entreprises, les managers et les RH dans leur quotidien. Le but consiste à aller au-delà du simple seuil statistique des 6% ».
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Installer un climat de confiance et de communication
Finalement, The Helpr a identifié certaines pratiques bénéfiques pour les personnes aidantes, les parents de personnes en situation de handicap, ou même les personnes vulnérables non-encore déclarées. Selon Boutayna BURKEL, « le lieu de travail est un lieu dynamique, fait de rituels et d’interactions. Si nous ne comprenons pas ce que vit la personne en situation de handicap, nous ne pouvons pas nous adapter, ni compenser ce qui lui manque. D’où la nécessité d’installer un climat de confiance et de communication ».
* The Helpr et TH Conseil, Inclusion & Performance, l’alliance du futur du travail, Livre Blanc 2024.
Plus d’informations en cliquant ici.
Panorama de la situation des travailleurs en situation de handicap en France avec Boutayna BURKEL (The Helpr). Photo : (c) The Helpr. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Might As Well Be on the Moon (Instrumental Version) – Mimmi Bangoura.
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