Lucas ROCHETTE-BERLON situe l’évènement ayant décidé de son destin en 1997. Pendant le mois de juillet, un immense incendie au cours duquel 3 500 hectares de forêt partent en fumée à Septèmes-les-Vallons manque de détruire la maternité où il voit le jour. Depuis, il n’a de cesse de tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences du réchauffement climatique. En 2022, il passe à la vitesse supérieure en créant Bancoop, une coopérative financière. Il s’attaque alors au nerf de la guerre, c’est-à-dire la finance. En mettant en œuvre une politique d’investissements ad hoc, il s’emploie à protéger notre avenir !
Dès 2014, poussé par une prise de conscience précoce, Lucas ROCHETTE-BERLON co-organise les premières Marches mondiales pour le Climat. En 2015, année de la COP 21, il arrive à Paris pour ses études. Il a 18 ans et le documentaire de Cyril DION et Mélanie LAURENT Demain l’amène à réaliser que de nombreuses solutions collectives pratiques sont là pour faire face à l’urgence ! « Comment faire pour continuer d’avoir une Terre vivable alors que la biodiversité a baissé des trois quarts depuis les années 70 ? D’ici cinquante ans, la moitié de l’Afrique, de l’Amérique et de l’Asie seront devenues invivables, de même qu’une partie de l’Europe ! Un tel constat peut plonger dans l’apathie fataliste ou bien alors donner la rage de se battre ! »
Lucas ROCHETTE-BERLON et la flamme du militantisme
Alors qu’il est encore étudiant, Lucas ROCHETTE-BERLON crée de nombreuses associations, sans compter les pétitions et autres manifestations. « Je vivais alors une période très foisonnante de mon engagement politique. Mais cela s’arrêtait toujours à la revendication ».
Las d’attendre que la solution vienne d’en haut, il décide de s’attaquer à l’économie, qu’il identifie comme étant à la racine de toutes les crises, notamment la monnaie. Comme il le souligne, « 3 % de la création monétaire en euros est réalisée par la Banque centrale européenne. Donc 97 % est le fruit de l’activité des banques privées commerciales. Si bien qu’aujourd’hui, ces dernières s’arrogent le pouvoir de décider de notre avenir, via leurs politiques d’investissements ».
Trois semaines après la COP 21, Lucas crée Une Monnaie pour Paris : la Pêche, qui s’allie à la monnaie de Montreuil pour se déployer sur toute l’Île-de-France. Par le biais de cette dernière, il cherche à relocaliser les flux monétaires, tout en rendant les activités économiques plus solidaires. Ce faisant, il parvient à faire circuler plusieurs centaines de millers d’euros, à l’origine de plusieurs millions d’euros d’activité et de prêts. Mais cela ne représente qu’une goutte d’eau dans l’océan du PIB national. Comme il le reconnaît lui-même, « les monnaies locales demeurent un outil très intéressant, mais qui a ses limites. En 2022, j’ai donc décidé de passer au deuxième étage de la fusée, en m’attaquant cette fois à la question bancaire avec Bancoop ».
Bancoop : une coopérative financière avec une politique d’investissements forte
Comme le rappelle Lucas ROCHETTE-BERLON, changer la direction que prend son épargne présente un impact 90 fois plus important que d’arrêter de prendre l’avion, 400 fois plus important que de manger bio, local, végé, de saison, ou de renoncer au chauffage ou à la climatisation. « Donc au niveau individuel, la finance représente un outil extrêmement puissant ».
Il convient par conséquent de ne pas sous-estimer notre capacité à changer les choses en utilisant son épargne de façon vertueuse. D’où l’importance accordée par Lucas à la politique d’investissements de Bancoop. « Aujourd’hui, nous finançons une quarantaine de projets, concernant pour l’essentiel la transition écologique et solidaire. Nous focalisons ainsi sur la question de la rénovation thermique des logements de familles modestes, en soutenant l’entreprise PEF². Ces dernières cessent alors de souffrir de la précarité énergétique, tout en réduisant leur consommation d’énergies polluantes émettrices de CO2 ».
Bancoop : des projets d’investissements passés au peigne fin
Notre interlocuteur poursuit : « En outre, nous avons de nombreux sujets liés à l’agriculture, au reconditionnement de matériel électronique telles que les consoles de jeux vidéo. Nous nous intéressons aussi aux emballages alimentaires offrant une alternative aux plastiques à usage unique, avec Le Fourgon, spécialisé dans les bouteilles consignées. Différents autres sujets sont liés à la mobilité. Par exemple, nous soutenons TOWT (TransOceanic Wind Transport), qui fait des cargos à voile permettant de traverser l’Atlantique avec 1000 tonnes de fret ». La liste des projets soutenus par Bancoop est tenue à jour en permanence sur son site internet.
Bancoop suit donc une politique d’investissements avec des critères de sélection stricts, en fonction des objectifs poursuivis par Lucas ROCHETTE-BERLON. Ainsi, il exclut par exemple tout projet impliquant la transformation de terres agricoles et il s’oppose à la déforestation. « Nous vérifions ainsi que les investissements que l’on nous propose ne sont pas construits sur une ancienne forêt. Pour cela, nous avons recours aux données satellites, au cadastre, etc. »
Parmi les autres critères d’exclusion, figurent aussi les liens avec les paradis fiscaux. Si le siège de la société en quête d’investissements se trouve aux îles Vierges ou à Vanuatu, elle se verra essuyer un refus poli mais ferme de la part de Bancoop. En outre, les projets en lien avec l’élevage ne sont pas retenus non plus. « Donc des panneaux solaires installés au-dessus d’un abattoir ou sur un hangar d’élevage ne passent pas nos grilles de critères ».
Une politique d’investissements entre idéal et pragmatisme
Cependant, Lucas ROCHETTE-BERLON souligne que sa politique d’investissements s’appuie sur deux piliers, « inséparables l’un de l’autre : l’éthique, bien entendu, mais aussi la pérennité financière ». Ainsi, Bancoop prend soin de conserver un certain équilibre entre, d’une part, les projets solidaires ou de très long terme qui vont lui rapporter de zéro à 3%. D’autre part, son portefeuille est composé de projets à haute intensité, qu’ils soient industriels ou énergétiques, pouvant lui rapporter entre 7 et 9% par an. Cela lui permet de rémunérer les comptes de ses associés à trois, quatre ou 5% en fonction de leur durée de blocage.
À ses investisseurs, Bancoop offre ainsi la possibilité de prendre des parts sociales du capital bloquées parfois sur le très long terme (de zéro à dix ans). Comme le précise Lucas ROCHETTE-BERLON, « 85% de nos sociétaires ont des parts bloquées à deux, quatre ou dix ans. Deux-tiers, sur dix ans. Donc il y a vraiment un engagement fort de la part de nos sociétaires qui ne viennent pas uniquement pour la rentabilité à court terme ».
Selon notre interlocuteur, la moitié de ses sociétaires investissent leur épargne chez lui par militantisme. Un quart vient du bouche-à-oreille familial ou amical. Enfin, le dernier quart provient plutôt du monde de l’entrepreneuriat, de la startup. Ces profils souhaitent financer un « projet aventure », surtout s’il rapporte de l’argent. « Lorsque nous organisons des évènements au cours desquels nous invitons nos sociétaires, un financier peut alors très bien côtoyer un gilet jaune. Je vous jure que cette scène est arrivée et qu’elle était assez intéressante à observer. Jamais ces personnes ne se seraient rencontrées dans d’autres circonstances ! »
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Bancoop : penser le travail autrement
En plus d’appliquer des critères de choix stricts concernant sa politique d’investissements, Bancoop se montre tout aussi radicale concernant sa politique RH en interne. Congé de paternité étendu, semaine de quatre jours, congé menstruel rémunéré, tout en garantissant un service de qualité aux sociétaires !
Pour faire en sorte d’assurer la continuité de ce service, Lucas ROCHETTE-BERLON, tout PDG qu’il soit, n’hésite pas à mettre les mains dans le cambouis. « En dernier recours, je prends les choses en mains en répondant moi-même aux clients ». Pour notre interlocuteur, il est important de conserver la cohésion de son équipe. Pour ce faire, il applique les principes d’organisation de Bancoop de manière relativement stricte, en refusant par exemple que les personnes ne repassent pendant un temps à la semaine de cinq jours. « Nous ne voulons pas que nos règles d’organisation s’affaiblissent et que cela devienne n’importe quoi ».
Dans la mesure où Bancoop se veut également un laboratoire, son PDG tient à montrer qu’il est possible de faire fonctionner une startup / coopérative tout en mettant en œuvre la semaine de quatre jours. « Or, si au bout d’un an et demi, on se met déjà à faire des exceptions, cela nous décrédibiliserait par rapport aux objectifs forts que nous poursuivons ».
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Lucas ROCHETTE-BERLON réussit l’impossible en fondant la coopérative financière Bancoop. Concilier ses valeurs de militant engagé dans une lutte implacable contre le réchauffement climatique et en faveur d’une société plus solidaire, d’une part. Tout en faisant preuve d’un sens des responsabilités sans égal quand il s’agit de défendre les intérêts de ses sociétaires en investissant leur épargne dans des projets alternatifs. Son but ? Offrir un monde vivable aux générations futures, à nous-mêmes et surtout à l’ensemble du Vivant ! Photo et Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Boon – Twelwe.
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