Lors de la soirée du 23 octobre 2024 organisée par l’association PrOlific à la mairie de Paris-Centre, le Dr. Hadia MOINDJIE évoque la question du devenir des femmes et de leur projet familial post- cancer. Aujourd’hui, le Dr. Hadia MOINDJIE, maître de conférences à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines revient sur son parcours et son projet de recherches en oncofertilité.
Écrit en collaboration avec Karlem.
C’est à Marseille, ville qui l’a vue naître et grandir, que Hadia MOINDJIE commence à s’intéresser à la recherche. En classe de 3e, elle hésite encore entre le droit et la médecine. Un stage dans un cabinet d’avocats lui fait comprendre que cette voie n’est pas vraiment faite pour elle. Car sa vocation l’oriente plutôt vers le domaine de la recherche fondamentale.
Une vocation de chercheuse précoce
En Terminale S, un événement décisif contribue à infléchir son parcours. Elle prend part à un « stage Hippocampe » au sein d’un laboratoire de recherches à Marseille. Pendant une semaine, avec ses camarades, elle se familiarise avec différentes techniques, tout en tâchant de répondre à une question scientifique. Après cette expérience séminale, elle tente une première année de médecine, sans succès. Néanmoins, c’est grâce à cet échec qu’elle découvre ce qui deviendra sa spécialité : la biologie de la reproduction.
Par la suite, elle s’inscrit en BTS pour acquérir rapidement de l’expérience pratique en laboratoire. Cela lui permet de « monter » à Paris pour y faire des stages. C’est à cette occasion qu’elle découvre le métier de maître de conférences, permettant de combiner l’enseignement et la recherche. Issue d’une famille africaine, elle est la première de sa fratrie à faire des études supérieures. Ses parents, nés aux Comores, valorisent l’école et l’éducation et l’encouragent à poursuivre des études longues si elle le souhaite.
Issue de la diversité, cette chercheuse au parcours atypique cherche à inspirer d’autres jeunes et s’implique activement auprès de jeunes filles provenant de milieux défavorisés. Elle vise à élargir leur horizon professionnel, en leur montrant que leurs origines ne doivent pas freiner leurs ambitions. Son autre cheval de bataille est la médiation scientifique, car elle considère qu’il s’agit là d’une activité essentielle pour les chercheurs. Pour elle, il est crucial de rendre la science accessible au grand public, aux patients et aux associations, en démystifiant le travail du chercheur et en créant des ponts entre personnes aux profils variés.
De la biologie de la reproduction à l’oncofertilité
Lors de la préparation de sa thèse de doctorat qu’elle obtient brillamment en 2016, elle travaille sur le développement du placenta humain. Elle part du constat suivant : une grossesse avec un placenta bien formé se déroule généralement correctement. Mais en cas de malformation de ce dernier, cela peut entraîner des pathologies (prééclampsie) ou des retards de croissance chez l’enfant. Hadia MOINDJIE met en évident le rôle d’une petite protéine (le PIF) fabriquée par les embryons pour favoriser la développement correct du placenta.
Après avoir obtenu sa thèse, elle pivote vers une nouvelle problématique : l’oncofertilité, c’est-à-dire la fertilité des patientes atteintes par un cancer. Compte tenu de l’augmentation de l’incidence des cancers, particulièrement chez les sujets les plus jeunes, elle en déduit qu’il s’agit d’une question de santé publique primordiale. Et cherche donc à enrichir ses compétences en cancérologie. Elle postule donc pour faire un post-doctorat dans le laboratoire dirigé par Clara NAHMIAS (CNRS / Association PrOlific).
Lors de son entretien d’embauche, Hadia MOINDJIE fait preuve d’honnêteté en expliquant que son objectif à long terme consiste à devenir maître de conférences tout en se spécialisant en oncofertilité. Aujourd’hui, notre interlocutrice est heureuse que les choses se soient passées selon ses vœux. Elle a en effet passé avec succès le concours de maître de conférences. Et elle exerce depuis 2022 à l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines.
L’incidence croissante des cancers
Depuis une trentaine d’années, l’incidence des cancers ne cesse d’augmenter. Selon Hadia MOINDJIE, cela est dû à l’allongement de l’espérance de vie. En effet, les individus sont davantage susceptibles de développer des cancers liés à l’âge, comme le cancer du sein chez les femmes et le cancer de la prostate chez les hommes. Les progrès dans les méthodes de diagnostic font que les cancers sont aujourd’hui détectés plus tôt et plus précisément qu’il y a trente ans.
En outre, les études épidémiologiques montrent que l’évolution de notre mode de vie joue un rôle significatif dans l’augmentation des cancers. Le tabagisme, la consommation d’alcool, les aliments transformés, la sédentarité, l’obésité et le stress sont autant de facteurs poussant à la hausse le nombre de cancers. De plus, l’exposition accrue aux perturbateurs endocriniens et aux polluants environnementaux contribue à cette tendance.
Contre le cancer : les thérapies ciblées
Contre cette hausse du nombre des cancers, la médecine de précision représente une avancée majeure. Elle repose sur l’idée que chaque cancer est unique et nécessite un traitement personnalisé. Cette approche permet de développer des thérapies ciblées. Ces dernières attaquent spécifiquement les cellules cancéreuses, réduisant ainsi les effets secondaires par rapport aux chimiothérapies traditionnelles.
L’immunothérapie est une autre innovation prometteuse. Elle consiste à éduquer le système immunitaire du patient pour qu’il puisse reconnaître et combattre les cellules cancéreuses. Cette méthode a déjà montré son efficacité dans le traitement du mélanome (cancer de la peau). Elle est également en cours d’évaluation pour d’autres types de cancers.
D’autres avancées technologiques permettent aussi de mieux cibler les traitements. Ainsi, la délivrance plus précise des médicaments, avec un système de guidage comparable à un GPS, permet d’attaquer directement les tumeurs sans affecter les tissus sains environnants.
Les soins de support améliorent la combattivité des patients contre le cancer
En outre, les analyses génétiques et génomiques des tumeurs sont devenues essentielles dans la lutte contre le cancer. En identifiant les mutations spécifiques de chaque tumeur, les médecins peuvent proposer des thérapies ciblées adaptées à chaque patient, augmentant ainsi à chaque fois les chances de succès.
Enfin, les soins de support jouent un rôle crucial dans l’accompagnement des patients. Ils améliorent leur qualité de vie par la prise en charge de la douleur et des effets secondaires des traitements. Les personnes malades accèdent plus facilement à des conseils diététiques, psychologiques ou bien même à un coaching sportif. Les soins de support présentent ainsi un impact positif sur le bien-être général des patients, favorisant en retour l’efficacité des traitements.
Garantir la fertilité des patientes souffrant d’un cancer
Le thème central de la soirée PrOlific du 23 octobre dernier était centré sur l’après-cancer, avec un focus sur la reproduction et la protection de la fertilité chez les femmes ayant eu un cancer du sein. En effet, le taux de survie cinq ans après un diagnostic de cancer du sein atteignent désormais les 90%. Selon le Dr. Hadia MOINDJIE, « la question de l’après-cancer devient donc cruciale. Qu’en est-il du retour au travail, de la vie à la maison, et surtout, de la fertilité, notamment pour les femmes âgées de moins de 40 ans ? »
Car l’âge de la première grossesse recule en Occident (allongement des études, indépendance des femmes). Ce décalage entraîne une augmentation des diagnostics de cancers chez des femmes n’ayant pas encore eu d’enfants ou n’ayant pas terminé leur projet familial.
À lire également : Autisme : valoriser des talents uniques, pour eux, pour nous (Pr. Frédérique BONNET-BRILHAULT).
La problématique spécifique de l’endomètre (nid du fœtus)
En France, la question de la fertilité après un cancer est prise en compte dans le cadre du développement de l’oncofertilité. Les Centres de préservation de la fertilité, souvent intégrés aux centres d’assistance médicale à la procréation, offrent des créneaux réservés aux patientes atteintes de cancers. Avant de commencer un traitement, les patientes peuvent choisir de congeler des ovocytes, des embryons ou même un bout d’ovaire pour préserver leur fertilité future.
Bien que nous maîtrisions la préservation des ovocytes, l’impact des traitements sur l’endomètre, la couche de l’utérus sur laquelle l’embryon s’implante et fait son nid, reste peu étudié. Comme l’observe le Dr. Hadia MOINDJIE, « la qualité de l’endomètre est pourtant cruciale pour la réussite d’une grossesse. Il est donc essentiel de mener des recherches sur les effets des chimiothérapies et des thérapies ciblées sur ce tissu. Comparer l’endomètre des femmes avant et après traitement pourrait ainsi fournir des informations précieuses afin d’améliorer les chances de grossesses post-cancer ».
Le Dr. Hadia MOINDJIE poursuit : « Diagnostiquer un cancer chez une femme enceinte pose des défis éthiques et logistiques importants. La prise en charge de ce type de patientes nécessite une coordination complexe pour proposer des traitements sans nuire au fœtus. Ce domaine demande encore un important effort de recherches avant que nous puissions offrir des solutions adaptées spécifiques aux femmes enceintes ».
Plus d’information en cliquant ici.
Le Dr. Hadia MOINDJIE (Maître de Conférences à l’Université de Versailles – Saint-Quentin-en-Yvelines) revient pour nous sur les récentes évolutions des traitements contre le cancer, de même que sur sa problématique de recherche particulière : l’oncofertilité. Photo : (c) PrOlific. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) : ES_Unthinkable (Instrumental Version) – R.A.D.
Auteur :