Après avoir fait le tour du monde et exposé en Italie, aux États-Unis, à Madrid, le peintre aquarelliste Pedro CANO revient à ses origines. À l’occasion de l’exposition De un pueblo de Murcia s’étant tenue au Casino Royal de Murcie à la fin de l’année dernière, il évoque la ville où, pour lui, tout a commencé. Originaire de Blanca, il rend hommage à l’endroit qui l’a vu naître et où son destin de peintre s’est joué. Il y a bien longtemps, alors qu’il n’avait que onze ans…
Diplômée en histoire de l’art et spécialisé en gestion culturelle, Isabel García Precioso est la responsable des activités culturelles du Casino Royal de Murcie, dans le sud de l’Espagne. « Mon rôle consiste à coordonner les activités culturelles du Casino de Murcie, entre expositions, conférences, présentations de livres, concerts, ciné-club, etc. »
Le Casino Royal, joyau architectural de la ville de Murcie
Édifice exceptionnel dont la construction remonte à 1847, le Casino Royal de Murcie est d’abord un club privé à la fin du 19e siècle dans lequel les notables de la ville se réunissent pour échanger des idées… ou pour danser à l’occasion des bals somptueux donnés pour le carnaval. Son architecture remarquable est une synthèse de styles divers. La salle de bal néo-baroque s’inspire de Versailles. « Les lustres proviennent directement de Paris ». Quant à la bibliothèque anglaise, elle est dotée d’une tribune en bois soutenue par des flamants roses sculptés. Elle rend hommage au voyage et à l’exotisme alors à la mode. C’est le début du tourisme, où l’on voyage pour le plaisir et la découverte, et non plus seulement pour affaires.
Selon Isabel García Precioso, « l’ensemble de l’édifice est un véritable joyau. Il vaut réellement la peine d’être visité rien que pour son architecture ». À la fin de 2024, le Casino Royal de Murcie consacre une exposition au peintre Pedro CANO à l’occasion de son 80e anniversaire : De un pueblo de Murcia. Cette exposition est le prétexte d’un retour sur la vie de ce dernier…

Pedro CANO, une carrière de peintre prestigieuse
Pedro CANO est né à Blanca, un des plus beaux endroits de la région de Murcie, dans la Vallée de Ricote, traversée par la rivière Segura. Son père vient de mourir alors qu’il n’a que 11 ans. Son frère Jesús lui offre alors une boîte de peinture pour le consoler. Il se met alors à peindre des paysages le long de la Segura.
À 19 ans, il s’installe à Madrid et entre à l’École des Beaux-Arts de San Fernando. À partir de 1969, il réside pendant trois ans au sein de l’Académie espagnole de Rome, avant de s’installer à Anguillara, où il passe une grande partie de sa vie d’artiste. Cela ne l’empêche pas de faire de nombreux voyages, notamment au Proche-Orient. Il vit également à New York. Pour Isabel García Precioso, ses nombreux déplacements ainsi que son attachement au lieu qui l’a vu naître expliquent l’universalité de sa peinture.
Au cours de sa longue vie, Pedro CANO reçoit de nombreuses distinctions. Citoyen d’honneur des villes de Blanca et d’Anguillara, il devient membre titulaire de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Murcie. En outre, il fait partie de l’Académie pontificale des beaux-arts et des lettres des virtuoses au Panthéon. Il reçoit également la médaille d’or « Isabel la Católica », distinction nationale pour sa contribution artistique. Enfin, il est fait docteur honorifique par l’Université de Murcie. Ses œuvres sont notamment exposées au musée du Vatican ou encore à la Galerie des Offices de Florence.
Pedro CANO : un artiste resté fidèle à la simplicité de ses origines
Malgré tous les honneurs et tous les voyages, Pedro CANO n’oublie pas que son inspiration est née à Blanca précisément. « Ses peintures de Blanca transmettent une impression d’humilité et de respect pour sa ville d’origine. Qu’il peigne les modestes maisons traversées par les eaux du fleuve Segura, les palmiers, la roche noire (Peña Negra) au cœur de ses représentations de Blanca, le château maure qui domine la ville, les grenades, les citrons ou encore les roses, Pedro démontre qu’il est un fin observateur des paysages et des personnes ».
Isabel García Precioso souligne la sensibilité de Pedro CANO qui ne se contente pas de seulement peindre le beau. Il porte également attention aux choses humaines et aux rapports entre les gens. Ce qui donne à sa peinture un style unique. Ces qualités se retrouvent chez Pedro CANO en tant que personne : « Lorsqu’on le rencontre, on réalise vite la vie extraordinaire qui a été la sienne. Dans le même temps cependant, il est si proche et si humble ! C’est une personne très spéciale, à tel point qu’il est difficile de séparer l’artiste de la personne ».

De un pueblo de Murcia : portrait de Blanca / portrait de Pedro CANO
Comme Pedro CANO le rappelle lui-même, « Blanca était une ville dans laquelle Juifs, Arabes et Chrétiens ont vécu ensemble pendant longtemps. Cela lui donnait un caractère très spécial. Un vieux château maure la domine encore. Au centre de Blanca se trouve une roche noire, la Peña Negra. La ville s’est donc appelée Negra, avant d’être rebaptisée Blanca, par suite de l’épidémie de peste noire. Mon propre nom est dérivé de mot pierre, « Pedro ». « Cano » désigne un homme aux cheveux blancs. Mon patronyme fait donc référence à la Peña Negra de Blanca. C’est assez curieux ! »
De fait, plusieurs œuvres montrées lors de l’exposition De un pueblo de Murcia évoquent la Peña Negra de Blanca. Paradoxalement, Pedro CANO choisit de la représenter dans une explosion de couleurs tirant sur le rouge, ou bien le vert. Selon Isabel García Precioso, « les aquarelles de Pablo ne sont pas exactement des monochromes, mais dans l’une d’entre elles, le rouge domine. Dans une autre, c’est le vert ». Outre ces aquarelles faisant toutes partie d’un même ensemble consacré aux Alentours du château, Pedro Cano présente aussi une peinture à l’huile de grande dimension.
Habitué des grands formats, Pedro CANO a aussi présenté une mosaïque de 60 petites aquarelles formant ensemble un paysage unique. Comme Isabel García Precioso le remarque, « il aurait été pourtant plus facile de découper un seul grand tableau en plusieurs petits morceaux pour réaliser cette mosaïque. Mais pour Pedro CANO, ce qui est facile conduit à l’ennui et ne l’intéresse pas. L’intérêt des choses provient de la difficulté de les accomplir, nous dit-il ».
Au Casino Royal de Murcie, Pedro CANO reçoit un traitement digne d’une rock star !
L’exposition a rencontré un vif succès, notamment auprès d’un public de scolaires. Certains ont même eu la chance de la visiter en présence de Pedro CANO lui-même. Un dialogue s’est vite instauré entre les enfants et le peintre. « Car ce dernier a beaucoup de facilité à communiquer, notamment avec les enfants. À la fin, les enfants, dont certains n’avaient que sept ou huit ans, lui ont même demandé des autographes, comme à une rock star ! Cela nous a beaucoup surpris… »
Outre les visites, le Casino Royal de Murcie a aussi organisé une journée de dédicaces du catalogue de l’exposition. « Il contient d’ailleurs un très beau texte dans lequel Pedro parle de son enfance. Il a aussi peint un catalogue d’auteur intitulé Genesis, entièrement consacré à Blanca. C’est aussi un très bel objet, par sa reliure, sa couverture. Il contient des annotations du peintre ».
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Exposition à venir au Casino Royal de Murcie : Marina Romero prend la suite de Pedro CANO
En mai prochain, Isabel García Precioso se prépare à inaugurer une exposition de Marina Romero, une peintre disciple de Pedro Cano. « Elle offrira différents points de vue sur un bâtiment art nouveau, le Jardin Récréatif, qui se trouvait autrefois à Murcie, dans le quartier de l’Espinardo. Ce bâtiment aujourd’hui disparu appartenait à la famille de l’artiste. Il a abrité la première station de radio de Murcie : Radio Murcia ».
En tant que disciple de Pedro CANO, Marina ROMERO a fait sienne la devise du maestro. « Dans tout travail, ce que j’aime, nous dit-il, c’est la relation que j’entretiens avec ce que je peins. Pour moi, ce n’est pas seulement l’aspect des choses qui compte. J’essaie surtout de pénétrer à l’intérieur, même lorsqu’il s’agit de ruines que j’observe. Les aimer, les peindre, c’est comme s’en emparer un peu pour qu’elles ne soient pas oubliées ».
Que faire quand on arrive à Murcie ?
Avec le Casino Royal, la Cathédrale et le Musée Salzillo sont les deux autres pôles d’attraction pour les visiteurs se rendant à Murcie.
Si vous poussez jusqu’à Blanca, ne manquez pas d’aller visiter la Fondation Pedro Cano. Avec un peu de chance, vous aurez l’occasion d’y croiser le maestro en personne !
Il n’y a pas que l’avion pour aller en Espagne ! Rappelons qu’il existe un bus quotidien direct entre Paris et Murcie.
- Aller : Départ depuis Paris-Bercy à 17h15. Arrivée le lendemain à 17h10 à Murcie (gare routière située au centre-ville).
- Retour : Départ de Murcie à 13h20. Arrivée le lendemain à 13h45 à Paris-Bercy.
Isabel GARCÍA PRECIOSO, responsable des activités culturelles du Casino Royal de Murcie, dans le sud de l’Espagne, nous présente son institution. Parmi les derniers grands évènements qu’elle a organisés, l’exposition De un pueblo de Murcia pour le 80e anniversaire du peintre Pedro CANO, artiste à la fois local et universel… Photo : (c) Casino Royal de Murcie. Vidéo : (c) LaTDI. Musique : (c) ES_Celebrations – Andres Cantu.

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