Burn-out, charge mentale. Ces deux termes ont depuis les années 2010 fait irruption dans l’univers des salariés, mais aussi des indépendants, étudiants, etc. Ils sonnent comme un avertissement pour les travailleurs s’investissant à l’excès dans leur profession, parfois aux dépens d’une vie plus équilibrée. La désillusion en rattrape certains, qui vont même jusqu’à commettre l’irréparable. C’est le cas d’Aude Selly, victime d’un burn-out grave en 2012, assorti d’une tentative de suicide. Cette dernière revient sur son expérience ainsi que sur la façon dont elle l’a surmontée dans son livre témoignage, Autopsie d’un burn-out, paru aux éditions Dunod le 7 septembre dernier. Plus jamais le burn-out, avec Aude Selly ! Interview de l’autrice-conférencière…
Aude Selly ne manque ni d’ambition ni de courage à la tâche. Plus jeune, elle a un profil de bonne élève. Ayant rapidement dû s’assumer, elle prend un petit boulot dès l’âge de 18 ans chez Pizza Hut, tout en poursuivant ses études. Au bout de deux ans, elle devient assistante manager, le temps pour elle de trouver un emploi correspondant mieux à ses aspirations. « Je pensais rester deux mois chez Pizza Hut, j’y suis restée six ans ! Aujourd’hui, je me rends compte que je suis vraiment le produit de cette première expérience. Manager à 20 ans, ce métier m’a amenée à être confrontée à des problématiques RH mêlant l’humain et le business ».
Aude Selly : un parcours de bonne élève et de manager modèle
Par la suite, elle occupe un poste généraliste chez Nature & Découvertes, en tant que responsable RH opérationnelle. Là, elle s’occupe de la paye, du recrutement et de l’administration du personnel. Au bout de quelques années, elle se rend compte du manque de perspectives, car elle n’a pas de diplôme adéquat.
Elle reprend donc ses études en ressources humaines dans le cadre du Fongecif. Une fois son diplôme en poche, elle reprend son parcours généraliste en RH, jusqu’à obtenir le poste dont elle rêvait. Elle devient responsable RH de proximité, en support des managers et des salariés dans le secteur des études de marché. « Cela correspondait exactement à mes aspirations. Il m’a fallu douze ans entre la révélation de ce que je voulais vraiment faire et l’obtention du poste de mes rêves ».
Pourtant, Aude a connu pendant cette période-là des difficultés l’ayant conduite à faire un burn-out grave, au point d’attenter à ses jours.
Autopsie d’un burn-out
Selon Aude, le burn-out ne se produit pas du jour au lendemain. Avec le recul, elle s’est rendu compte du lent cheminement vers son propre épuisement professionnel. Pourtant, tout a commencé par une lune de miel, durant laquelle elle a l’impression d’avoir décroché le poste fait pour elle. Trop heureuse d’avoir pu saisir cette opportunité, pour laquelle elle s’est battue pendant douze ans, elle s’implique au maximum. Même si, comme dans toute entreprise, des situations de stress se déclarent. « Le stress n’est pas un problème en soi. Cependant, il le devient quand il s’installe et qu’il dure ».
Par la suite, les choses ont commencé à se dégrader quand le stress est devenu ingérable, suite à une surcharge permanente de travail. Certains symptômes physiques de mal-être au travail ont alors fait leur apparition. D’autant plus qu’elle n’a bénéficié d’aucune aide en interne.
Concrètement, Aude travaillait avec un outil complètement obsolète. Ainsi, « pour calculer la paye, je faisais pratiquement tout à la main. Les personnes pointaient quatre fois par jour manuellement. Parfois elles oubliaient de le faire ou bien elles le faisaient trop. Pour calculer la paye, il fallait que les quatre entrées quotidiennes soient exactes. Quand j’ai été embauchée dans cette entreprise, on m’a dit qu’il fallait absolument régler le problème de la paye, car j’étais la quatrième personne sur le poste. J’ai donc eu un coup de pression sur le sujet. Toujours est-il qu’il me fallait vérifier les quatre pointages quotidiens d’une centaine de personnes dont j’avais la responsabilité, sur trente jours. Sur cette tâche simplement, il me fallait vérifier une dizaine de milliers d’entrées chaque mois pour que la paye soit juste ».
Aude demande de l’aide, en vain. « On n’a pas voulu me donner de solution », déplore-t-elle.
De la lune de miel à la désillusion
À partir de ce moment, Aude a ressenti la perte de sens et la désillusion professionnelles s’installer. Pour elle, la réalité s’avérait bien différente de ce qu’elle avait imaginé en prenant son poste. Elle ne s’attendait pas à un tel quotidien, ni à un tel manager, ni même à des conditions de travail aussi déplorables.
Cela la conduit à perdre son estime de soi : elle se pose de nombreuses questions. Les symptômes s’approfondissent, entre perte de plaisir au travail et fatigue intense, dont elle ne parvient pas à se défaire. Selon Aude, « le mot ‘fatigue’ n’est pas assez fort. C’est plutôt d’éreintement dont il s’agit, prélude à un effondrement ».
Loin de se ménager, la personne en situation de pré burn-out essaie de tenir comme elle le peut. Aude refuse ainsi de s’arrêter, comme la presse son entourage auquel elle se confie. « Je répondais que je ne pouvais pas m’arrêter car autrement, j’aurais trop de travail ! » Comme Aude, le burn-out touche généralement des personnes investies et impliquées.
Burn-out et conduites addictives
Pour tenir, notre autrice va tout tenter, y compris les médicaments. « je me retrouve dans le cabinet d’un médecin de ville. Ce jour-là, j’étais en pleurs. J’apprends pour la première fois l’existence du terme de ‘burn-out’, dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Je pensais qu’il s’agissait simplement d’une fatigue passagère. Le médecin me dit que si je continue comme cela, dans six mois je craque ».
En réalité, grâce aux anxiolytiques qu’il lui prescrit, Aude tiendra neuf mois. En contrepartie, elle développe une conduite addictive qui ne fait que la précipiter vers l’abîme. « C’est ‘grâce’ à cela que j’ai pu tenir aussi longtemps. Je faisais en sorte de voir plusieurs médecins pour être certaine d’avoir un stock permanent d’anxiolytiques ».
Pour autant, au travail, les choses ne vont pas en s’arrangeant. Comme son entreprise fait la sourde oreille à ses demandes d’aide, elle se retrouve avec une charge de travail toujours plus lourde. Cela se double de décisions managériales incompréhensibles. Ainsi, sa responsable directe est licenciée du jour au lendemain, ce qui lui occasionne un choc émotionnel. « Je n’ai pas compris cette décision, et on ne me l’a pas expliquée. À la place, un jeune coq a été promu. Quand je parle de perte de sens, il s’agissait d’une situation que je n’ai pas comprise, littéralement. Je me suis lancée dans le jeu des comparaisons jusqu’à perdre toute confiance en moi. J’ai fait en sorte de tenir. Or, si on ne s’arrête pas, on plonge ».
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